La consultation en dermatologie

Le pourquoi et le comment d'une affaire de tous les jours.

La pratique quotidienne montre que dans de nombreux cas de dermatologie, en particulier d'apparition aiguë, la cause de la dermatose est aisément identifiable. Traitement et gestion des suivis ne sont pas problématiques.

Par contre un nombre significatif de cas en dermatologie ont une évolution chronique qu'il s'agisse de rechutes incessantes ou d'une lente dégradation. Leur accorder toute l'attention voulue prend du temps et c'est difficilement valorisable auprès du client. Les dermatoses d'étiologie très différentes sont indiscernables cliniquement. En effet, pour une vingtaine de lésions macroscopiques répertoriées, on compte au moins 150 dermatoses décrites. Le pronostic vital est rarement en jeu (mis à part certains excès iatrogènes...) et les affections dermatologiques, quoique pénibles, sont rarement douloureuses. La plupart des dermatoses chroniques récidivent, quels que soient les explorations ou les traitements mis en oeuvre.

Malgré toutes ces raisons, le même niveau de soin devrait être dévolu aux cas chroniques de dermatologie qu'aux cas relevant de la médecine interne ou de la chirurgie.

Identifier le niveau de complexité du cas

La consultation des cas les plus courants et les plus simples prend quelques minutes au praticien alors que les cas chroniques ou inhabituels nécessitent du temps et souvent de nombreux suivis. La gestion du temps du praticien et le discours tenu au client demandent qu'une identification du type de cas en présence soit effectuée précocément. Pour cela l'anamnèse et l'expérience du praticien sont utiles, par exemple :

Ce n'est pas la première fois que l'animal est vu pour ce problème,
D'autres confrères ont déjà été consultés à ce sujet,
Le sens clinique du praticien lui dit que le diagnostic et/ou le traitement de ce cas ne sera ni aisé ni rapide.

Dire au propriétaire ce que l'on sait

Il est naturel que le propriétaire vienne chercher un kit "traitement-guérison totale" direct, rapide, simple et peu onéreux. Cependant à ce stade de la consultation, le praticien sait que la nature même de l'affection dont souffre l'animal ne se résoudra pas aisément. En faire part au propriétaire est une phase capitale de la gestion des dermatoses chroniques. Sinon, le risque est que le client rende le praticien responsable des rechutes ou de la lenteur de la guérison, plutôt que de se rendre compte qu'il s'agit de l'évolution normale de l'affection.

Cliquer ici pour avoir plus de détails sur le discours à tenir

Deux catégories de réponses sont possibles :

"Non" ou bien "je vais réfléchir" cliquez ici pour voir les détails

"D'accord" cliquez ici pour voir les détails.

Quelques jours d'antibiothérapie ou un traitement antiparasitaire bien mené peuvent permettre d'avancer le cas et de laisser le temps aux propriétaires de rassembler anciennes ordonnances et éventuels résultats d'analyses pour améliorer l'anamnèse. Quoique la tentation soit grande, des corticoïdes ne doivent pas être administrés à ce stade précoce, que ce soit localement ou par voie systémique car ils faussent divers examens complémentaires utiles en dermatologie: tests allergologiques, biopsies...

La consultation approfondie

La consultation approfondie comprend trois étapes préalables à l'établissement d'un diagnostic différentiel:

Le recueil de l'anamnèse,
L 'examen de l'animal,
Le bilan clinique.

Le recueil de l'anamnèse

Comme nous l'avons vu, le diagnostic n'est pas visuel en dermatologie... Contrairement aux apparences ! L'anamnèse est donc un complément essentiel à l'observation clinique. Il est primordial de rencontrer la ou les personnes qui s'occupent de l'animal afin de recueillir une anamnèse la plus complète possible. Tous les gens ne sont pas de bons observateurs et se souviennent plus ou moins. Il est préférable de s'en rendre compte plutôt que de les pousser à un excès de zèle. La plupart sont contents de l'intérêt porté à leur animal, même s'ils ne voient pas très bien où le clinicien veut en venir.

Divers points sont passés en revue méthodiquement. Ils concernent, dans l'ordre :

Le signalement de l'animal : Age, race, sexe, cliquez ici pour voir les détails
Le motif de consultation cliquez ici pour voir les détails
Le mode de vie cliquez ici pour voir les détails
Anamnèse dermatologique cliquez ici pour voir les détails
La caractérisation du prurit cliquez ici pour voir les détails
L'état général cliquez ici pour voir les détails

L'examen de l'animal

L'examen clinique général permet de se faire une idée de l'état du chien et de l'éventuelle présence d'une dermatose à manifestation systémique.

L'examen dermatologique commence à distance : la distribution générale des lésions est notée, en particulier leur symétrie qui est plus en faveur d'une cause "interne" comme une dysendocrinie, une allergie. Les ectoparasitoses et les mycoses ont, en général, une distribution qui n'est pas symétrique. Les pyodermites étant le plus souvent secondaires à une allergie ou une endocrinopathie, leur distribution est celle de la dermatose sous-jacente.

L'identification des lésions dermatologiques permet de recueillir le maximum d'informations quant à l'aspect de la dermatose. Certaines lésions ne sont pas aisées à différencier : érythème et purpura, croûtes et calcinose, présence de manchons pilaires... La loupe éclairante intégrée au modèle le plus classique de lampe de Wood facilite leur observation. Le glossaire des lésions reprend la description de chacune des lésions dermatologiques du chien et du chat ainsi que certaines étiologies parmi les plus fréquentes.

Les oreilles et les jonctions cutanéo-muqueuses peuvent être le siège d'affections particulières ou demandent un matériel adapté pour être explorées (otoscope, voire vidéo-otoscopie/endoscopie).

Le bilan clinique

Le bilan clinique est le résumé des observations cliniques. Effectuer cette synthèse ainsi que la pause dont elle est l'occasion sont utiles pour fonder le raisonnement menant au diagnostic différentiel. Il permet aussi de conserver une description précise de l'état de l'animal, utile lorsque la fiche est consultée lors d'appels téléphoniques et en vue des visites futures.

Par exemple :cliquez ici

Démarche diagnostique et choix des examens complémentaires

Démarche diagnostique

Il s'agit d'envisager chaque dermatose pouvant s'exprimer par le tableau clinique précédemment décrit. Une liste est jointe qui regroupe diverses dermatoses courantes et moins courantes. Parcourir une semblable liste, au moins les têtes de chapître mentalement, soutient le raisonnement clinique et permet d'être sûr de ne rien avoir oublié. De quoi décorer votre salle de consultation ou le coin du microscope...

Liste des dermatoses cliquez ici

Chacune de ces hypothèses diagnostiques est consignée. Cela permet par la suite de se remémorer ce qui apparaissait plausible à la première consultation, sans avoir à reprendre tout le raisonnement clinique, en cas d'échec ou de résultat d'analyse imprévu.

Une fois cette liste établie, elle est hiérarchisée grâce aux informations recueillies dans l'anamnése et l'examen clinique.

Exemple de diagnostic différentiel : cliquez ici

Il est important de distinguer les dermatoses primaires (DHPP, démodécie, teigne, otacariose, génodermatoses...) des dermatoses le plus souvent secondaires (pyodermites, dermatites et otites à Malassezia...).

Des arbres diagnostiques sont aussi présentés pour les dermatoses parasitaires et allergiques les plus courantes (chapitre diagnostic différentiel des dermatoses les plus fréquentes). Ils montrent que le raisonnement peut être assez varié, en particulier, celui qui permet le diagnostic de la dermatite atopique.

Une fois que les hypothèses diagnostiques sont énoncées et motivées, le praticien a en main divers arguments qui lui permettent de choisir les examens complémentaires les plus adaptés au cas en présence. Il s'agit d'aboutir à une conduite à tenir logique pour qu'elle soit fructueuse.

Choix des examens complémentaires

Ils permettent d'infirmer ou de confirmer les hypothèses contenues dans le diagnostic différentiel.

De nombreux examens peuvent être effectués rapidement lors de la consultation comme les raclages, les calques, les trichogrammes, quitte à ce que leur examen microscopique soit effectué à un moment moins chargé de la journée. Les résultats de biopsie, de bactériologie, de mycologie n'en sont pas immédiatement disponibles. Ils nécessitent le plus souvent le recours à un laboratoire vétérinaire spécialisé.

La plupart sont exposés en détails dans la partie "dermatoscopie".

Examens complémentaires immédiats: critères de motivation de leur choix

Peignage : recherche d'ectoparasites (puces, poux, tiques, Cheyletiella spp.), de leurs oeufs ou de leurs excréments.
Trichogramme : suspicion de dysendocrinie (phase anagène/télogène), de dysplasie folliculaire (présence de macromélanosomes) d'atteinte de la tige pilaire (dermatophytose, léchage excessif). Des parasites sont parfois visibles attachés au poil: lentes, Demodex... Leur absence ne permet pas de conclure.
Raclages : suspicion de gale sarcoptique, démodécie, teigne, trombiculose... Dans la pratique, il est systématiquement pratiqué.
Calques : recherche de la population microbienne (bactéries, Malassezia spp.) et cellulaire (granulocytes, cellules tumorales, cellules acantholytiques...) dans une pustule, sous une croûte, entre les doigts, dans les plis, dans le conduits auriculaire... Il peut consister en un calque par impression, un scotch-test ou un écouvillonnage (Coton-Tige(r)).
Scotch-test : permet aussi la recherche de parasites s'il n'est pas coloré (lentes, Cheyletiella spp...).
Ecouvillon (curette) : permet aussi la recherche de parasites auriculaires s'il n'est pas coloré (Otodectes cynotis, Demodex spp....).
Lumière de Wood : suspicion de dermatophytose. Un résultat positif permet de suspecter une teigne, diagnostic à confirmer par une culture mycologique ou par l'obervation directe de spores (raclage, trichogramme).

Autres examens complémentaires: critères de motivation de leur choix

Régime d'éviction: suspicion d'allergie alimentaire ou nécessité d'éliminer cette hypothèse avant de porter un diagnostic de dermatite atopique.
Intradermo-réaction: permet de déternimer la composition d'une solution de désensibilisation.
Histologie: suspicion de tumeur cutanée, de dermatose auto-immunes, de génodermatoses... Pour éliminer certaines hypothèses : endocrinopathie, démodécie (atteinte dans des sites difficiles à racler ou chez un Shar Pei)...
Mycologie : suspicion de dermatophytose, de dermatite à Malassezia...
Bactériologie : suspicion de germe atypique ou résistant.
Numération et formule, biochimie sanguine: suspicion d'une atteinte de l'état général, orienter le diagnostic, suivi de l'évolution d'un processus infectieux, réalisation d'un bilan pré-anesthésique, surveillance des effets secondaires d'un traitement (hépatotoxicité du kétoconazole, néphrotoxicité des aminosides, atteintes médullaires des immunosuppresseurs...), recherche de microfilaires.
Sérologies : leishmaniose, FAN, dirofilariose...
Explorations endocriniennes: hypothyroïdie, hypercorticisme, syndrome de Cushing iatrogène, suspicion de dermatose associée à des anomalies des hormones sexuelles (dosage de la testostérone, de l'oestradiol et de la progestérone).
Coprologie : recherche de parasitisme interne...

Le diagnostic

Il est fondé sur l'anamnèse, la présentation clinique et les résultats des examens complémentaires.

L'arlésienne ?

"Le diagnostic définitif est rarement porté dès la première consultation (allergies, pulicose ou DHPP ? origine d'une pyodermite ?...). Seules des parasitoses diagnostiquées par les examens complémentaires et répondant totalement au traitement, ou des dermatoses dont l'histologie pathognomonique (MAI, tumeurs...) peuvent avoir un diagnostic définitif et rapide" (Arnaud Lecourt, travaux préliminaires en vue thèse de doctorat vétérinaire).

Conduite à tenir et traitement

Le traitement est choisi en fonction du diagnostic (ou des hypothèses les plus probables en attente des résultats des examens complémentaires) et des possibilités du propriétaire : disponibilité, coût, motivation...
Pendant cette consultation, beaucoup de choses ont été dites au propriétaire, il est utile de les noter sur l'ordonnance, le carnet, le compte-rendu ou tout autre support susceptible d'être conservé. Sur l'ordonnance, on peut éventuellement distinguer les traitements étiologiques des traitements symptomatiques.

Bibliographie

Scott DW, Miller WH Jr and Griffin GE. Muller and Kirk's Small Animal Dermatology. 2000, 1600 p.
Cet ouvrage présente les techniques mais aussi les interprétations de chacun des tests diagnostiques en Dermatologie de façon poussée mais très pratique. Traite de la d
ermatologie du chien, du chat et des NAC. Nombreuses références.

En français

Prost C. Atlas d'allergologie cutanée chez les carnivores domestiques. Med'Com édition, Paris. 2000:119p.
Aborde et répond à toutes les questions et problèmes rencontrés en pratique quotidienne par l'allergologie tout en étant particulièrement bien documenté.
Bordeau W. Atlas des ectoparasites du chien et du chat. Med'Com édition, Paris. 2000:120p.
Pour reconnaître et connaître ectoparasites et ectoparasitoses.
Marignac G. Dermatologie du chien et du chat : Diagnostic et Traitement [CD-ROM].Khépri production. 1997.
Plus de 70 dermatoses expliquées au clinicien. 500 illustrations et aussi 12 séquences vidéo montrant les examens complémentaires.
Grant DL. Affections Cutanées du Chien et du Chat. 1993, 176p.
Traite de la Dermatologie de faáon concise, sans éluder les points ayant des répercussions importantes en pratique quotidienne.
Ouvrage collectif. Techniques Diagnostiques en Dermatologie des Carnivores, éditions PMCAC. 1991, 192p.
En plus des techniques diagnostiques, description des lésions cutanées, diagnose illustrée des différents ectoparasites, protozoaires, dermatophytes, levures et bactéries. Superbe chapitre de cytologie. Certaines possibilités diagnostiques et interprétations ont évolué depuis la parution.
Certaines des informations concernant le recueil de l'anamnèse ont été rassemblées par notre confrère Arnaud Lecourt, dans le cadre de sa thèse de doctorat vétérinaire.