Les dermatoses du planum nasal chez le chien

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Les dermatoses du planum nasal canin représentent un défi diagnostique singulier pour le praticien vétérinaire, malgré leur fréquence relative en consultation dermatologique. La diversité étiologique de ces affections, conjuguée à la superposition fréquente des tableaux cliniques, nécessite une démarche méthodique rigoureuse que notre consœur Laura Ordeix a présenté lors du dernier congrès ESVD qui s’est tenu à Bilbao, en Espagne.

Contrairement au chat chez lequel les néoplasies prédominent, le chien présente majoritairement des processus inflammatoires localisés à cette structure anatomique hautement spécialisée. L’objectif de cette revue est de proposer une approche diagnostique systématisée, fondée sur la reconnaissance de patrons lésionnels spécifiques, permettant d’orienter efficacement la démarche clinique et paraclinique.

Particularités Anatomiques et Histologiques du Planum Nasal

Organisation Macroscopique et Subdivision Topographique

La compréhension fine de l’architecture du planum nasal constitue un prérequis indispensable à l’interprétation clinique. Cette structure se subdivise en trois entités topographiques distinctes dont l’atteinte sélective revêt une valeur diagnostique. La portion dorsale correspond à la surface la plus étendue et la plus exposée aux agressions environnementales. Les orifices narinaires se trouvent délimités par les replis alaires, tandis que le philtrum central forme un sillon vertical séparant la portion supérieure de la lèvre.

Cette organisation anatomique n’est pas anodine sur le plan diagnostique. Certaines affections présentent une distribution préférentielle: les vasculopathies ciblent fréquemment le philtrum en raison de sa vascularisation particulière, tandis que la pyodermite mucocutanée affecte électivement les plis alaires.

Caractéristiques Histologiques Distinctives

L’histologie du planum nasal diffère substantiellement de celle de la peau poilue adjacente. La surface présente une architecture pavimenteuse caractéristique, composée de structures polygonales séparées par des sillons profonds. Cette texture particulière, parfois désignée par le terme anglo-saxon “cobblestone”, résulte de l’organisation complexe des crêtes épidermiques.

L’épiderme du planum nasal manifeste une acanthose marquée, caractérisée par un épaississement considérable. Le stratum corneum présente également une épaisseur notable, avec une hyperkératose physiologique pouvant être orthokératosique ou parakératosique. Les crêtes papillaires profondes confèrent à la surface son relief caractéristique. La disparition de cette architecture représente un signe pathologique majeur, observé dans diverses affections inflammatoires.

Le derme présente une particularité remarquable: l’absence complète de structures annexielles. Ni glandes sudoripares, ni glandes sébacées, ni follicules pileux ne sont identifiables dans cette région. Chaque crête papillaire contient une unité neurovasculaire individualisée, probablement impliquée dans les fonctions sensorielles, la thermorégulation et le maintien de l’humidité superficielle.

Des variations histologiques régionales s’observent au sein même du planum nasal. L’épiderme s’amincit progressivement au niveau des narines et du philtrum. Cette dernière structure présente une particularité vasculaire distinctive: son derme renferme des artérioles de calibre supérieur, expliquant sa vulnérabilité spécifique aux vasculopathies et artérites.

Méthodologie Diagnostique Structurée

Identification Précise du Patron Lésionnel

Cette première étape repose sur l’analyse sémiologique minutieuse des lésions observées. Le clinicien doit caractériser la nature de l’atteinte prédominante: s’agit-il d’une modification pigmentaire, d’une perte de substance, d’une accumulation de matériel cornéifié ou d’une prolifération tissulaire ? La distribution topographique constitue simultanément un critère discriminant. Une lésion strictement confinée au philtrum oriente vers un spectre étiologique distinct de celui d’une atteinte diffuse de l’ensemble du planum nasal.

Hiérarchisation des Hypothèses Différentielles

Pour chaque patron identifié, l’élaboration d’une liste différentielle structurée s’impose. Cette hiérarchisation intègre la prévalence épidémiologique des affections, les prédispositions raciales documentées, l’âge de survenue et les données anamnestiques. Un Berger Allemand présentant des érosions des plis alaires évoquera prioritairement une pyodermite mucocutanée, tandis qu’un Labrador Retriever manifestant une hyperkératose sèche orientera vers une parakératose héréditaire ou une hyperkératose idiopathique.

Protocole d’Investigation Complémentaire

La confirmation diagnostique nécessite la mise en œuvre séquentielle d’examens complémentaires ciblés. La démarche progresse des techniques non invasives et immédiatement disponibles vers les investigations plus complexes, réservées aux situations où les premières approches demeurent non conclusives.

Classification Lésionnelle et Diagnostics Différentiels

Altérations Pigmentaires avec Destruction Architecturale

Ce patron associe une modification chromatique du planum nasal à un effacement progressif de la texture pavimenteuse normale. Sur une truffe initialement noire, la dépigmentation confère un aspect gris bleuté lisse, tandis qu’une truffe brune acquiert une teinte rosâtre. L’évolution naturelle conduit à l’apparition d’érythème, puis d’érosions, d’ulcérations et finalement de croûtes dans les formes chroniques.

Le lupus érythémateux discoïde constitue l’étiologie la plus fréquemment rencontrée dans cette catégorie. Cette dermatose auto-immune débute typiquement par une dépigmentation de la portion dorsale, s’étendant progressivement aux plis alaires et à la jonction cutanéo-muqueuse. La leishmaniose représente un diagnostic différentiel transversal majeur, particulièrement dans les régions méditerranéennes et autres zones d’endémie. Les lésions leishmaniosiques peuvent mimer parfaitement le lupus discoïde dans leurs stades initiaux, avec possibilité d’extension ultérieure à la peau périphérique poilue.

Les dermatoses du planum nasal chez le chien

Les dermatoses du planum nasal chez le chien

Lupus cutané nasal

Le syndrome uvéodermatologique, également désigné syndrome de Vogt-Koyanagi-Harada-like, associe caractéristiquement des manifestations oculaires à l’atteinte nasale. La présence d’une uvéite concomitante oriente fortement vers ce diagnostic, bien que l’atteinte cutanée puisse parfois précéder les signes oculaires. Les dermatopathies ischémiques, regroupant diverses vasculopathies, peuvent générer un tableau clinique similaire, fréquemment accompagné de lésions cutanées extracrâniales, notamment podales ou auriculaires.

Le lupus érythémateux systémique, forme généralisée moins fréquente, s’accompagne habituellement de manifestations systémiques polymorphes: polyarthrite, glomérulonéphrite, anémie hémolytique auto-immune ou thrombocytopénie. Le lymphome T épithéliotrope cutané affecte préférentiellement les animaux âgés et présente généralement d’autres localisations cutanées concomitantes: plaques érythémateuses, nodules ou dermatite exfoliative généralisée.

Modifications Pigmentaires sans Altération Structurale

Dans ce patron, la couleur du planum nasal se modifie tandis que l’architecture pavimenteuse demeure intégralement préservée. L’absence d’inflammation constitue la caractéristique sémiologique fondamentale.

Le vitiligo se manifeste par une dépigmentation maculaire progressive, touchant préférentiellement certaines races: Rottweiler, Doberman et Berger Belge présentent une susceptibilité accrue. Cette affection auto-immune ciblant les mélanocytes affecte typiquement plusieurs jonctions cutanéo-muqueuses simultanément: lèvres, paupières et coussinets plantaires peuvent présenter des modifications similaires.

La dépigmentation idiopathique, parfois qualifiée de physiologique et désignée par l’expression anglaise “Snow Nose”, survient chez des races spécifiques telles que le Labrador Retriever ou le Siberian Husky. Cette modification chromatique, souvent réversible saisonnièrement, ne s’accompagne d’aucun signe inflammatoire ni d’altération de la texture superficielle.

Les dermatoses du planum nasal chez le chien

Vitiligo 

Dermatites Érosives et Ulcératives

Les pertes de substance caractérisent ce patron, avec des implications pronostiques variables selon l’extension et la profondeur lésionnelles. La topographie constitue un élément discriminant majeur, justifiant une subdivision en quatre sous-catégories.

Ulcération Extensive du Planum Nasal

L’atteinte complète et diffuse du planum nasal traduit généralement des affections sévères d’apparition brutale. Les réactions médicamenteuses graves, notamment la nécrolyse épidermique toxique, provoquent une destruction épidermique massive. Cette entité, analogue au syndrome de Stevens-Johnson humain, constitue une urgence dermatologique associée à un pronostic réservé.

Les pemphigus représentent un groupe de dermatoses auto-immunes bulleuses. Le pemphigus vulgaire, forme la plus sévère, cible les jonctions intercellulaires épidermiques profondes, générant des bulles flasques évoluant rapidement vers des érosions étendues. Le pemphigus paranéoplasique, entité décrite plus récemment, s’associe à une néoplasie sous-jacente, fréquemment lymphoïde. La pemphigoïde bulleuse, ciblant la jonction dermo-épidermique, peut également provoquer un tableau similaire.

La leishmaniose, dans ses formes sévères, génère des ulcérations extensives susceptibles de mimer ces affections auto-immunes. L’aspergillose nasale, bien que primitivement une infection fongique des cavités nasales profondes, peut secondairement éroder le planum nasal dans les cas chroniques négligés.

Érosions Localisées aux Plis Alaires

Cette distribution lésionnelle évoque prioritairement la pyodermite mucocutanée, affection particulièrement fréquente chez le Berger Allemand. Cette pyodermite profonde affecte électivement les jonctions cutanéo-muqueuses, les plis alaires nasaux constituant une localisation privilégiée. Le lupus érythémateux mucocutané, variante bénigne du lupus discoïde décrite initialement chez le Berger Allemand et le Colley, présente une distribution similaire.

La leishmaniose et l’aspergillose nasale figurent également parmi les diagnostics différentiels de ce sous-patron. L’extension progressive depuis les cavités nasales vers le planum nasal externe caractérise l’aspergillose dans ses stades avancés.

Ulcères et Fissures de la Portion Rostrale

Des fissures linéaires profondes apparaissant sur les bordures narinaires définissent ce sous-patron. L’artériopathie alaire nasale du Berger Allemand constitue l’étiologie spécifique de cette race. Cette vasculopathie idiopathique génère des ulcérations linéaires bilatérales et symétriques des ailes nasales.

La leishmaniose, via son tropisme vasculaire secondaire aux dépôts de complexes immuns, peut produire des lésions morphologiquement similaires. Les vasculites idiopathiques représentent un groupe hétérogène d’affections dont le diagnostic repose essentiellement sur l’exclusion des autres étiologies.

Ulcération Circonscrite du Philtrum

Une ulcération unique, bien délimitée et localisée strictement au philtrum caractérise ce sous-patron hautement spécifique. L’artérite dermique du philtrum nasal, décrite préférentiellement chez les races de grande taille comme le Saint-Bernard, résulte d’une inflammation ciblée des artérioles dermiques de cette région. La vascularisation particulière du philtrum, caractérisée par la présence d’artérioles de calibre supérieur, explique cette susceptibilité sélective.

Durant la phase de cicatrisation des vasculites affectant le philtrum, une dépigmentation focale résiduelle s’observe fréquemment. La leishmaniose et les vasculites idiopathiques complètent le spectre différentiel de ce sous-patron.

Dermatites Squamo-Croûteuses

L’accumulation de squames et de croûtes à la surface du planum nasal définit ce patron, subdivisé en deux entités distinctes selon les caractéristiques du matériel accumulé.

Lésions Squamo-Croûteuses d’Origine Pustuleuse

Les croûtes jaunâtres friables, facilement détachables, signent une dermatite pustuleuse sous-jacente. Le pemphigus foliacé, dermatose auto-immune la plus fréquente en médecine vétérinaire, cible les jonctions intercellulaires épidermiques superficielles. Les pustules primaires, fragiles et transitoires, évoluent rapidement vers des croûtes. L’extension symétrique au chanfrein et à la face constitue une caractéristique sémiologique évocatrice.

Le pemphigus érythémateux représente une forme localisée et cliniquement plus bénigne, considérée par certains auteurs comme une variante du pemphigus foliacé. Les lésions demeurent généralement confinées à la face, avec une atteinte prédominante du planum nasal et du chanfrein.

La dermatophytose, bien que rare à cette localisation, mérite considération. Nannizzia persicolor, anciennement dénommé Microsporum persicolor, présente un tropisme particulier pour les zones glabres et peut générer un tableau clinique mimant un pemphigus foliacé, particulièrement en présence d’une surinfection bactérienne secondaire.

Lésions Hyperkératosiques Sèches

L’épaississement marqué de la couche cornée confère au planum nasal un aspect sec, rugueux et fréquemment fissuré. L’hyperkératose nasale idiopathique affecte préférentiellement les races brachycéphales. Cette affection, d’étiologie inconnue, se caractérise par une accumulation excessive de kératine sans inflammation sous-jacente identifiable.

L’hyperkératose naso-digitée touche simultanément le planum nasal et les coussinets plantaires, survenant typiquement chez les animaux âgés. La parakératose nasale héréditaire, affection autosomique récessive décrite chez le Labrador Retriever, débute précocement dans la vie et évolue progressivement vers une hyperkératose sèche marquée.

La dermatose sensible au zinc regroupe plusieurs entités cliniques liées à un déficit en zinc, qu’il soit alimentaire ou génétique. Les races nordiques présentent une susceptibilité accrue aux formes génétiques. La dermatite nécrolytique superficielle, également désignée syndrome hépatocutané, s’associe à une hépatopathie sévère ou, plus rarement, à un glucagonome pancréatique. L’hyperkératose nasale s’accompagne d’une atteinte podale caractéristique et de lésions des jonctions cutanéo-muqueuses.

La leishmaniose, dans certaines de ses présentations cliniques, génère une hyperkératose nasale, parfois accompagnée d’une surinfection bactérienne secondaire. La maladie de Carré, bien que rare depuis la généralisation de la vaccination, peut occasionnellement provoquer une hyperkératose naso-digitée dans ses formes chroniques.

Dermatites Papulo-Nodulaires

La présence de papules ou nodules, uniques ou multiples, à la surface du planum nasal définit ce patron. Les processus granulomateux ou pyogranulomateux, qu’ils soient infectieux ou stériles, constituent les étiologies prédominantes.

La leishmaniose produit fréquemment des lésions nodulaires du planum nasal. Ces nodules présentent parfois un aspect caractéristique en “cratère volcanique”, avec une ulcération centrale entourée d’un bourrelet périphérique. Le syndrome granulome-pyogranulome stérile représente un groupe d’affections inflammatoires idiopathiques dont l’étiologie demeure incomprise. L’absence d’agents infectieux identifiables à l’examen cytologique et histopathologique constitue un critère diagnostique fondamental.

Les mycoses profondes, notamment la cryptococcose, génèrent des lésions nodulaires du planum nasal. Ces infections fongiques systémiques affectent préférentiellement les animaux immunodéprimés. La protothecose, infection par une algue ubiquitaire, peut également produire des nodules nasaux, bien que cette localisation demeure exceptionnelle.

L’histiocytose réactive mérite une attention particulière. Cette prolifération histiocytaire peut engendrer un gonflement diffus et caractéristique du planum nasal, désigné par l’expression “nez de clown”. Cette tuméfaction massive provoque fréquemment un stridor respiratoire par obstruction mécanique des voies aériennes supérieures. Les néoplasies, bien que moins fréquentes chez le chien que chez le chat, complètent le spectre différentiel de ce patron.

Stratégie d’Investigation Diagnostique

Examens de Première Intention

La cytologie constitue l’examen initial incontournable dans l’investigation des dermatoses du planum nasal. Cette technique simple, peu invasive et immédiatement réalisable au cabinet fournit des informations diagnostiques précieuses. Les calques par apposition directe ou après scarification superficielle permettent l’identification d’infections bactériennes, de levures, d’amastigotes de Leishmania ou de cellules acantholytiques évocatrices de pemphigus.

La qualité du prélèvement conditionne la fiabilité des résultats. Les croûtes doivent être délicatement soulevées, le matériel sous-jacent prélevé et étalé sur lame. Les pustules intactes, lorsqu’elles sont observées, représentent des structures privilégiées pour le prélèvement. Leur contenu, riche en cellules inflammatoires et bactéries éventuelles, offre une fenêtre diagnostique optimale.

Explorations Sanguines et Sérologiques

Un bilan hématologique et biochimique complet s’impose pour évaluer l’état général et rechercher des manifestations systémiques. L’électrophorèse des protéines sériques revêt une importance particulière dans le contexte de suspicion de leishmaniose, cette parasitose s’accompagnant fréquemment d’une hypergammaglobulinémie polyclonale caractéristique.

L’analyse urinaire complète l’évaluation systémique, permettant notamment la détection d’une protéinurie suggestive de lupus érythémateux systémique ou de leishmaniose avec atteinte rénale. La sérologie leishmaniose s’impose systématiquement dans les zones d’endémie, indépendamment du patron lésionnel observé. La diversité des présentations cliniques de cette parasitose justifie cette approche systématique.

Investigations Microbiologiques

La culture bactérienne avec antibiogramme trouve son indication en présence d’une infection bactérienne confirmée cytologiquement, particulièrement lorsqu’elle présente un caractère profond ou récurrent. La pyodermite mucocutanée du Berger Allemand, fréquemment associée à des germes résistants, bénéficie particulièrement de cette approche.

Le prélèvement doit s’effectuer après nettoyage soigneux de la surface lésionnelle, idéalement au niveau d’une pustule intacte ou du fond d’une érosion récente. Les cultures fongiques s’envisagent face à une suspicion de dermatophytose ou de mycose profonde, bien que ces affections demeurent relativement rares à cette localisation.

Diagnostics Moléculaires et Génétiques

Le test génétique pour la parakératose nasale héréditaire du Labrador Retriever constitue une avancée diagnostique significative. Cette investigation non invasive, réalisée sur prélèvement salivaire ou sanguin, permet de confirmer le diagnostic avant d’envisager une biopsie. Les animaux homozygotes pour la mutation développent systématiquement la maladie, tandis que les hétérozygotes demeurent cliniquement sains mais peuvent transmettre l’affection à leur descendance.

Histopathologie Cutanée

La biopsie cutanée représente l’examen de référence pour le diagnostic définitif de nombreuses dermatoses du planum nasal, particulièrement les affections auto-immunes, les néoplasies et les dermatoses inflammatoires stériles. La technique de prélèvement conditionne substantiellement la qualité diagnostique.

Le site de biopsie doit être sélectionné judicieusement. Les lésions récentes et actives offrent les modifications histopathologiques les plus caractéristiques. Le prélèvement doit inclure la marge lésionnelle, intégrant simultanément la peau atteinte et la peau périphérique saine. Le centre d’un ulcère chronique, constitué de tissu nécrotique, fournit généralement des informations diagnostiques limitées et doit être évité.

La technique du punch biopsique de 6 ou 8 millimètres constitue l’approche privilégiée. Plusieurs prélèvements s’avèrent souvent nécessaires pour augmenter la sensibilité diagnostique, particulièrement dans les affections auto-immunes où les modifications histopathologiques peuvent présenter une distribution focale. L’immunohistochimie et les techniques de biologie moléculaire complètent l’arsenal diagnostique dans les situations complexes, notamment pour le diagnostic différentiel entre processus inflammatoires et néoplasiques.

Considérations Cliniques Pratiques

Approche Thérapeutique Diagnostique

La pyodermite mucocutanée illustre l’intérêt d’une approche thérapeutique diagnostique. Face à un Berger Allemand présentant des érosions des plis alaires, l’instauration d’une antibiothérapie constitue une démarche raisonnée avant d’envisager une biopsie. Les antibiotiques systémiques ou topiques, selon la sévérité lésionnelle, sont administrés pendant deux semaines.

Une réponse clinique favorable, même partielle, conforte l’hypothèse de pyodermite mucocutanée et permet de différer la biopsie. À l’inverse, l’absence totale d’amélioration après ce délai justifie la réalisation rapide d’une biopsie pour explorer les hypothèses de lupus érythémateux mucocutané ou d’autres dermatoses à médiation immune.

Gestion des Affections Récurrentes

La pyodermite mucocutanée, particulièrement chez le Berger Allemand, présente fréquemment un caractère récurrent. Cette chronicité évolutive reflète habituellement l’existence d’une affection sous-jacente, la dermatite atopique constituant l’étiologie prédominante. La stimulation antigénique chronique secondaire à l’allergie génère une altération de la barrière cutanée et une dysrégulation immunitaire locale, favorisant les infections bactériennes récurrentes.

La gestion à long terme nécessite impérativement l’identification et le contrôle de cette dermatite atopique primaire. Le traitement symptomatique isolé des épisodes infectieux, sans prise en charge de l’allergie, conduit inévitablement à des récidives. Une stimulation antigénique prolongée peut théoriquement faire évoluer une pyodermite mucocutanée vers une dermatose à médiation immune, illustrant le continuum pathogénique entre processus infectieux et dysimmunité.

Importance de la Leishmaniose

La leishmaniose mérite une considération particulière dans l’approche diagnostique des dermatoses du planum nasal canin. Cette parasitose vectorielle, transmise par phlébotomes, présente une distribution géographique méditerranéenne prédominante, avec extension progressive vers des territoires septentrionaux précédemment indemnes.

Le polymorphisme clinique remarquable de cette affection justifie sa position transversale dans les diagnostics différentiels. La leishmaniose peut mimer pratiquement tous les patrons lésionnels décrits: dépigmentation avec destruction architecturale évoquant un lupus discoïde, ulcérations extensives simulant un pemphigus, hyperkératose sèche mimant une dermatose sensible au zinc, ou nodules suggérant un processus néoplasique.

Cette versatilité sémiologique impose la réalisation systématique d’une sérologie leishmaniose dans les zones d’endémie, indépendamment du tableau clinique observé. La détection d’amastigotes à l’examen cytologique, bien que hautement spécifique, présente une sensibilité limitée. L’absence d’identification parasitaire directe n’exclut nullement le diagnostic.

Perspectives et Défis Diagnostiques

L’approche par reconnaissance de patrons lésionnels transforme une problématique diagnostique complexe en une démarche structurée et reproductible. Cette méthodologie permet de rationaliser les hypothèses différentielles et d’optimiser l’utilisation des ressources diagnostiques.

L’évolution constante des connaissances en dermatologie vétérinaire enrichit continuellement notre compréhension de ces affections. La caractérisation génétique progressive des dermatoses héréditaires, comme la parakératose nasale du Labrador Retriever, ouvre des perspectives diagnostiques non invasives. Le développement d’outils moléculaires pour la détection d’agents infectieux améliore la sensibilité diagnostique.

Les progrès en immunodermatologie affinent notre compréhension des mécanismes physiopathologiques sous-tendant les dermatoses auto-immunes. Cette meilleure connaissance pathogénique oriente le développement de thérapeutiques ciblées, plus efficaces et mieux tolérées que les immunosuppresseurs conventionnels.

La modification des écosystèmes et le réchauffement climatique influencent la distribution géographique de vecteurs pathogènes comme les phlébotomes. Cette expansion territoriale de la leishmaniose vers des régions historiquement indemnes nécessite une vigilance accrue et une adaptation des protocoles diagnostiques. Le clinicien doit désormais envisager cette parasitose dans des contextes géographiques où elle était précédemment exceptionnelle.

Synthèse

Les dermatoses du planum nasal canin constituent un ensemble hétérogène d’affections dont l’approche diagnostique bénéficie d’une méthodologie structurée. La reconnaissance de cinq patrons lésionnels principaux permet de rationaliser la démarche clinique et de hiérarchiser les hypothèses différentielles. La compréhension fine de l’anatomie et de l’histologie spécifiques de cette région anatomique éclaire l’interprétation sémiologique et explique certaines susceptibilités lésionnelles sélectives.

La cytologie constitue l’examen de première intention, fournissant rapidement des informations diagnostiques précieuses. L’histopathologie demeure l’investigation de référence pour le diagnostic définitif de nombreuses affections, particulièrement les dermatoses auto-immunes et néoplasiques. La leishmaniose, en raison de son polymorphisme clinique remarquable, doit être systématiquement considérée dans les zones d’endémie.

L’approche thérapeutique diagnostique trouve sa place dans certaines situations cliniques spécifiques, notamment la pyodermite mucocutanée. La reconnaissance d’affections sous-jacentes, comme la dermatite atopique favorisant les infections récurrentes, conditionne le succès de la prise en charge à long terme. L’évolution des connaissances et le développement de nouveaux outils diagnostiques enrichissent continuellement notre arsenal thérapeutique et améliorent le pronostic de ces affections.

Référence

Ordeix L. Topographic analysis of canine nasal dermatology. Dermatology service, Fundació Hospital Clínic Veterinari, Universitat Autònoma de Barcelona; Ordeix L. Approche Diagnostique des Dermatoses du Planum Nasal chez le Chien: une Méthodologie Basée sur les Patrons Lésionnels. Congrès ESVD 2025, BIlbao, Espagne

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