L’alopécie des robes diluées (ARD), également connue sous le nom d’alopécie des mutants de couleur, est une génodermatose canine caractérisée par une perte de poils progressive affectant spécifiquement les zones de pelage à pigmentation diluée. Nous avons le plaisir de vous présenter une synthèse complète des connaissances sur cette dermatose.
1. Introduction
L’alopécie des robes diluées (ARD), également connue sous le nom d’alopécie des mutants de couleur, est une génodermatose canine caractérisée par une perte de poils progressive affectant spécifiquement les zones de pelage à pigmentation diluée. Bien que considérée comme relativement peu fréquente dans l’ensemble de la population canine, elle représente la dermatose héréditaire la plus couramment diagnostiquée chez le chien. Sa reconnaissance et sa compréhension approfondie sont fondamentales pour le dermatologue vétérinaire. Elles permettent non seulement d’établir un diagnostic de certitude et de la distinguer d’autres affections alopéciques, mais aussi de fournir un conseil éclairé et précis aux propriétaires et aux éleveurs concernés. La maladie se manifeste par une dégradation de la qualité du pelage, évoluant vers une alopécie souvent extensive, et peut s’accompagner de lésions cutanées secondaires, notamment des infections bactériennes.
La complexité de l’ARD ne réside pas uniquement dans ses manifestations cliniques, mais aussi dans sa terminologie et ses relations avec d’autres dysplasies folliculaires. Historiquement, divers termes ont été employés, et sa distinction par rapport à la dysplasie folliculaire des poils noirs (DFPN) a fait l’objet de discussions. La DFPN, qui affecte sélectivement les zones de pelage noir chez les chiens à panachure blanche, présente des similitudes histopathologiques notables avec l’ARD. Cette parenté suggère une base pathogénique commune, où une anomalie primaire de la pigmentation et de la structure folliculaire serait centrale. Cette nuance terminologique et classificatoire reflète l’évolution des connaissances et souligne l’importance d’une approche diagnostique rigoureuse pour ces affections dermatologiques génétiquement déterminées.
2. Étiopathogénie de l’ARD
L’étiopathogénie de l’alopécie des robes diluées est multifactorielle, impliquant des bases génétiques spécifiques, des mécanismes pathophysiologiques complexes au niveau du follicule pileux et de la pigmentation, ainsi que des facteurs modulant son expression clinique.
2.1. Bases Génétiques : Le Gène MLPH et ses Variants
Le fondement génétique de l’ARD repose de manière prépondérante sur des mutations au sein du gène de la mélanophiline (MLPH). Ce gène joue un rôle crucial en codant pour une protéine essentielle au transport et à la distribution des mélanosomes, les organites contenant la mélanine, au sein des mélanocytes et vers les kératinocytes environnants. La dilution de la couleur du pelage, un prérequis phénotypique pour le développement de l’ARD, est la conséquence directe de ces mutations.
Plusieurs variants alléliques récessifs (‘d’) du gène MLPH ont été identifiés comme étant responsables de ce phénotype de dilution. Le variant le plus extensivement étudié et le plus fréquemment impliqué est un polymorphisme mononucléotidique (SNP) situé en position c.-22 par rapport au site d’initiation de la traduction dans l’exon 1 du gène MLPH, consistant en une substitution d’une guanine (G) par une adénine (A) (c.-22G>A). Des études ont confirmé une association étroite entre ce SNP et le phénotype de robe diluée chez de nombreuses races canines. Outre ce variant principal (souvent désigné d1), d’autres mutations au sein du gène MLPH ont été décrites, notamment le variant d2, une substitution c.705G>C identifiée chez le Chow-Chow, et le variant d3, une insertion c.667_668insC rapportée chez le Chihuahua. Pour qu’un chien exprime phénotypiquement une couleur de robe diluée, et soit ainsi prédisposé à l’ARD, il doit être homozygote pour l’un de ces allèles récessifs (génotype d/d).
L’ARD est reconnue comme une maladie à transmission autosomique récessive. Ce mode de transmission implique que les deux parents d’un animal atteint doivent être, au minimum, porteurs hétérozygotes de l’allèle muté (D/d) ou être eux-mêmes atteints (d/d).
2.2. Mécanismes Pathophysiologiques
Les mutations du gène MLPH induisent une cascade d’événements cellulaires et tissulaires conduisant aux manifestations cliniques de l’ARD.
Perturbation du transport et de l’agrégation des mélanosomes : La conséquence fonctionnelle principale des mutations du MLPH est un défaut dans le mécanisme de transport des mélanosomes. Cela se traduit par une accumulation et une agrégation anarchique de ces organites pigmentaires, formant de volumineuses inclusions appelées macromélanosomes, au sein des mélanocytes de l’épiderme et des follicules pileux, ainsi que dans les kératinocytes des tiges pilaires en formation. Le variant d/d du MLPH est directement responsable de ce défaut de dispersion homogène des mélanosomes, menant à leur agrégation. La présence de ces macromélanosomes constitue une caractéristique histopathologique et trichoscopique distinctive de l’ARD.
Dysplasie folliculaire et altération de la structure pilaire : L’accumulation intracytoplasmique de ces macromélanosomes, couplée à une possible cytotoxicité exercée par les précurseurs de la mélanine ou par les mélanosomes anormaux eux-mêmes sur les cellules de la matrice pilaire, est considérée comme un facteur majeur dans le développement de la dysplasie folliculaire. Les follicules pileux deviennent alors structurellement anormaux, présentant des distorsions, une atrophie progressive et des perturbations du cycle pilaire. Simultanément, la structure même des tiges pilaires est compromise. L’intégration désordonnée des macromélanosomes dans le cortex et la médulla du poil altère son intégrité biomécanique, le rendant anormalement fragile, cassant et sujet à des fractures prématurées. Cette fragilité pilaire est un contributeur direct à l’alopécie observée.
Anomalies de la kératinisation : Des troubles de la kératinisation accompagnent fréquemment l’ARD. Une hyperkératose, particulièrement au niveau folliculaire, est une observation courante, se manifestant par la formation de bouchons de kératine obstruant les infundibula pilaires. Une desquamation excessive de la surface cutanée (squames) est également souvent rapportée. Ces anomalies de la kératinisation contribuent à l’aspect sec et rugueux de la peau et peuvent favoriser les complications infectieuses.
2.3. Complexité Génétique et Facteurs influençant l’Expression
Un aspect fondamental et déroutant de l’ARD est que la présence d’un génotype MLPH d/d, bien que nécessaire, n’est pas systématiquement suffisante pour induire le phénotype alopécique. En effet, tous les chiens homozygotes récessifs pour les variants de dilution ne développent pas l’ARD, ou la développent avec une sévérité et un âge d’apparition variables. Ce phénomène, connu sous le nom de pénétrance incomplète, suggère fortement l’intervention d’autres facteurs génétiques (gènes modificateurs) ou environnementaux dans l’expression clinique de la maladie. Par exemple, il est bien établi que les tests génétiques pour les variants du MLPH identifient le statut de dilution de la robe mais ne peuvent prédire si un chien de couleur diluée développera effectivement l’ARD. L’incidence de l’ARD chez les Dobermans de couleur diluée est très élevée, mais n’atteint pas 100%, tandis que chez d’autres races comme le Petit Lévrier Italien, elle est significativement plus basse malgré la présence de robes diluées. De manière encore plus frappante, certaines races telles que le Braque de Weimar ou le Dogue Allemand, qui peuvent présenter des robes diluées (et donc un génotype d/d), ne manifestent que rarement, voire jamais, les signes cliniques de l’ARD.
L’existence de gènes modificateurs est donc une hypothèse prédominante pour expliquer cette variabilité inter et intra-raciale. Des gènes tels que RAB27A et MYO5A, qui codent pour des protéines interagissant fonctionnellement avec la mélanophiline au sein du complexe de transport des mélanosomes, ont été logiquement évoqués comme candidats potentiels. Cependant, leur rôle direct et spécifique dans la modulation de la sévérité de l’ARD chez les chiens d/d n’a pas encore été formellement démontré par des études ciblées. Des recherches ont indiqué que le risque de développer l’ARD ou la DFPN semble être spécifique à la race, ce qui renforce l’idée que le fond génétique global de chaque race joue un rôle modulateur déterminant. L’identification précise de ces facteurs modificateurs, qu’ils soient génétiques ou environnementaux, reste un champ de recherche actif et crucial. L’hypothèse plus ancienne d’un allèle ‘dl’ au locus D, récessif à ‘d’ et directement responsable de l’alopécie , est moins mise en avant dans les publications récentes, qui s’orientent davantage vers l’interaction entre MLPH et des gènes modificateurs distincts.
Cette évolution de la compréhension, d’un modèle monogénique strict vers un modèle polygénique ou multifactoriel, a des implications considérables. Sur le plan du conseil génétique, cela signifie qu’un test MLPH seul, bien qu’informatif sur le statut de dilution, est insuffisant pour prédire avec certitude le risque de développer l’alopécie. Pour la recherche, cela souligne la nécessité d’approches plus globales, telles que les études d’association pangénomique (GWAS) ou le séquençage du génome entier chez des cohortes de chiens d/d atteints et non atteints, afin d’identifier ces insaisissables gènes modificateurs. À terme, la caractérisation de ces facteurs pourrait non seulement affiner le pronostic mais aussi ouvrir la voie à de nouvelles stratégies préventives ou thérapeutiques, si ces modulateurs s’avéraient être des cibles accessibles. L’identification de ces éléments pourrait expliquer pourquoi certaines lignées ou races sont plus vulnérables que d’autres, même en partageant le même génotype MLPH d/d.
3. Aspects Épidémiologiques
L’étude de la distribution et des déterminants de l’ARD au sein des populations canines fournit des informations précieuses pour sa reconnaissance et sa gestion.
3.1. Prévalence et Incidence
L’alopécie des robes diluées est globalement considérée comme une affection relativement peu fréquente si l’on considère l’ensemble de la population canine. Néanmoins, au sein du groupe des génodermatoses, elle se distingue par une fréquence de diagnostic plus élevée, la positionnant comme la maladie de peau héréditaire la plus couramment identifiée chez le chien. Les données épidémiologiques précises concernant sa prévalence ou son incidence à l’échelle de populations canines larges et diversifiées demeurent limitées. Cependant, la littérature scientifique, riche en études de cas individuels et en rapports de séries de cas cliniques, atteste de sa présence dans un large éventail de races canines et dans diverses régions géographiques à travers le monde.
3.2. Races Prédisposées
Une prédisposition raciale marquée est une caractéristique épidémiologique saillante de l’ARD. Elle affecte principalement les races au sein desquelles les robes à pigmentation diluée – telles que le bleu (dilution du noir), le fauve ou isabelle (dilution du marron/chocolat), ou encore le lilas – sont non seulement reconnues par les standards de race mais parfois activement recherchées par les éleveurs et les propriétaires. Le tableau suivant synthétise les informations relatives aux races les plus fréquemment rapportées comme étant prédisposées à l’ARD.
Tableau 1 : Races Prédisposées à l’Alopécie des Robes Diluées (ARD) et Fréquence
Race |
Couleurs Diluées Concernées |
Fréquence Rapportée de l’ARD (si disponible) |
---|---|---|
Doberman Pinscher |
Bleu, Fauve (Isabelle) |
Très élevée : 57.9% à 93% chez les bleus ; 75% à 89.5% chez les fauves. |
Teckel (Dachshund) |
Bleu, Isabelle |
Fréquemment rapportée. |
Yorkshire Terrier |
Bleu (sur robe bleu et feu) |
Fréquemment rapportée, affectant les zones bleues du pelage. |
Pinscher Nain |
Bleu, Fauve |
Rapportée. |
Whippet |
Bleu, Fauve |
Fréquemment rapportée. |
Petit Lévrier Italien |
Bleu, Fauve |
Rapportée ; incidence semble plus faible que chez le Doberman malgré la fréquence des robes diluées. |
Chow Chow |
Bleu |
Rapportée. |
Braque de Weimar |
Gris souris (Isabelle) |
Génétiquement d/d, mais l’ARD clinique est rarement observée, suggérant fortement l’action de gènes modificateurs protecteurs. |
Dogue Allemand |
Bleu |
Situation similaire au Braque de Weimar ; robes bleues existent, mais l’ARD clinique est peu fréquente. |
Labrador Retriever |
Charbon (Bleu), Argent (Lilas) |
L’ARD est de plus en plus reconnue dans ces couleurs de dilution non standard. |
Bulldog Français |
Bleu |
L’ARD est rapportée chez les individus de couleur bleue. |
American Staffordshire Terrier |
Bleu |
Prédisposition reconnue. |
Autres races |
Diverses couleurs diluées |
Caniche Standard (bleu), Setter Irlandais (fauve), Saluki, Bouvier Bernois, Chihuahua, Berger des Shetland, Boston Terrier, Terre-Neuve, Schipperke, Beauceron, Berger Allemand, Bleu de Gascogne. |
Chiens croisés |
Robes diluées de diverses origines |
L’ARD n’est pas exclusive aux chiens de race pure et a été diagnostiquée chez des chiens croisés présentant une robe diluée. |
Cette liste n’est pas exhaustive, mais elle illustre la large distribution de la prédisposition à l’ARD parmi les races canines. La variabilité de l’expression clinique, même au sein des races prédisposées et pour un même génotype MLPH d/d (comme le cas du Braque de Weimar), est un argument de poids en faveur de l’influence de facteurs génétiques modificateurs ou de facteurs environnementaux encore mal caractérisés.
Sévère aloépcie des robes diluées chez un Yorkshire
3.3. Influence de l’Âge et du Sexe
L’âge d’apparition des premiers signes cliniques de l’ARD est variable, mais se situe généralement dans une fenêtre allant de 4 mois à 3 ans. Des cas ont été rapportés avec un début des symptômes dès l’âge de 3 mois, et plus rarement, chez des animaux plus âgés, un cas ayant été décrit chez un chien de 10 ans. Cette large plage d’âge d’apparition, y compris au sein d’une même race, pourrait être le reflet de l’hétérogénéité des facteurs modificateurs influençant l’expression de la maladie, ou de l’interaction avec des déclencheurs environnementaux encore non identifiés. Si la pathogénie était uniquement déterminée par le génotype MLPH d/d, on pourrait s’attendre à une fenêtre d’apparition plus resserrée, à moins que l’expression du gène ne soit soumise à une régulation développementale intrinsèquement variable. Ainsi, cette variabilité temporelle, à l’instar de la pénétrance incomplète, suggère une complexité étiologique où des facteurs génétiques additionnels, épigénétiques, ou environnementaux (tels que le stress folliculaire lié aux soins, à la nutrition, ou à l’état hormonal général) pourraient interagir avec la prédisposition génétique primaire pour moduler le moment de la manifestation clinique.
Concernant l’influence du sexe, la majorité des études et des observations cliniques ne rapportent pas de prédisposition sexuelle significative pour l’ARD. Mâles et femelles semblent être affectés avec une fréquence comparable, ce qui est en accord avec le mode de transmission autosomique récessif de la maladie, indépendant des chromosomes sexuels.
4. Manifestations Cliniques
Les manifestations cliniques de l’alopécie des robes diluées sont progressives et caractéristiques, affectant la qualité et la densité du pelage ainsi que l’intégrité de la peau sous-jacente.
4.1. Âge d’Apparition et Évolution
Typiquement, les chiots destinés à développer l’ARD naissent avec un pelage d’apparence normale dans les zones de couleur diluée. Les premiers signes de la maladie se manifestent insidieusement et progressivement, le plus souvent entre l’âge de 4 mois et 3 ans, bien que des variations existent comme mentionné précédemment. L’alopécie est caractérisée par sa lente progression, s’étendant souvent sur plusieurs mois à plusieurs années. Elle peut évoluer jusqu’à une perte de poils quasi totale sur les régions du tronc présentant la pigmentation diluée.
4.2. Description des Lésions Pilaires et Cutanées
Qualité du pelage : Le premier indicateur clinique est fréquemment une altération de la qualité du pelage dans les zones de couleur diluée. Le poil perd son lustre, devenant terne, sec et cassant. Les poils affectés peuvent présenter un aspect “mité” ou une raréfaction diffuse, conduisant à une hypotrichose. Les tiges pilaires restantes sont souvent rêches au toucher et se fracturent aisément sous l’effet de traumatismes minimes comme le frottement ou le brossage.
Alopécie : L’hypotrichose initiale évolue inexorablement vers une alopécie plus marquée, dont l’étendue et la symétrie peuvent varier. Les premières zones touchées sont classiquement localisées sur le tronc, en particulier le long de la ligne dorsale. L’alopécie peut ensuite s’étendre aux flancs et à la région abdominale. De manière caractéristique, la tête, les membres et la queue sont souvent épargnés ou ne sont affectés que tardivement dans l’évolution de la maladie. Un signe pathognomonique, en présence d’une robe diluée, est l’épargne stricte des zones de couleur non diluée. Par exemple, chez un Doberman Pinscher bleu et feu, les marques feu (tan) ne seront pas affectées par l’alopécie.
Lésions cutanées primaires et secondaires : Outre la perte de poils, diverses lésions cutanées peuvent être observées :
- Des papules et des pustules folliculaires sont fréquemment rencontrées. Celles-ci peuvent évoluer vers la formation de comédons (points noirs), résultant de l’obstruction des follicules pileux.
- Une desquamation, se présentant sous forme de squames fines (pityriasiformes) ou plus larges (furfuracées), est une manifestation courante, témoignant des troubles de la kératinisation.
- La pyodermite bactérienne secondaire est une complication très fréquente et cliniquement significative. Elle se manifeste généralement par une folliculite ou une furonculose, le plus souvent causée par la prolifération de Staphylococcus pseudintermedius. Cette surinfection bactérienne est souvent la principale cause de prurit chez les chiens atteints d’ARD.
- Des macules hypomélaniques, c’est-à-dire des zones de peau présentant une dépigmentation, peuvent apparaître, notamment sur la face ventrale de l’abdomen.
- Le prurit (démangeaisons) est typiquement absent ou minime en l’absence de complications infectieuses. Lorsqu’il est présent, il est quasi systématiquement imputable à la pyodermite bactérienne secondaire.
Aspect moucheté de l’alopécie des robes diluées chez un Dobermann
La séquence d’apparition de ces lésions constitue un élément important pour l’orientation diagnostique. Les modifications initiales de la qualité du pelage, suivies par l’hypotrichose progressive puis l’alopécie, précèdent généralement le développement des complications cutanées telles que la pyodermite. Cette chronologie, associée à la distribution caractéristique des lésions (tronc principalement touché, épargne des zones non diluées), est hautement évocatrice de l’ARD chez un chien présentant une robe à pigmentation diluée. Cela aide à différencier l’ARD d’autres affections dermatologiques dont l’apparition serait plus brutale ou dont les signes inflammatoires seraient primaires.
5. Démarche Diagnostique
Le diagnostic de l’alopécie des robes diluées repose sur une approche méthodique intégrant les données de l’anamnèse, les signes cliniques, et les résultats d’examens complémentaires spécifiques, notamment le trichogramme et l’examen histopathologique de biopsies cutanées.
5.1. Anamnèse et Examen Clinique
Une anamnèse détaillée est la première étape cruciale. Elle doit s’attacher à recueillir des informations précises concernant la race du chien, la couleur de sa robe (et la confirmation de la présence d’une dilution pigmentaire), l’âge exact d’apparition des premiers signes dermatologiques, la nature et la chronologie de l’évolution des lésions, ainsi que les éventuels antécédents familiaux (présence d’autres chiens atteints dans la même lignée ou portée). Les traitements antérieurs et la réponse observée doivent également être documentés.
L’examen clinique général et dermatologique doit être exhaustif. Il confirmera la présence d’une robe diluée (bleu, fauve, isabelle, etc.) et permettra de caractériser précisément la nature, la distribution et la sévérité des lésions alopéciques, ainsi que la présence éventuelle de lésions cutanées primaires ou secondaires (papules, pustules, comédons, squames, érythème, croûtes, macules hypomélaniques), en accord avec les descriptions fournies dans la section précédente. L’évaluation de l’étendue de l’alopécie et la recherche de signes de pyodermite secondaire sont particulièrement importantes.
5.2. Apport du Trichogramme
L’examen microscopique des poils (trichogramme) est un outil diagnostique non invasif, simple à réaliser, rapide et d’une grande valeur informative dans la suspicion d’ARD. Des poils sont prélevés par traction douce dans les zones alopéciques ou en périphérie des lésions, montés entre lame et lamelle dans de l’huile minérale ou du lactophénol, et observés au microscope optique.
Les observations typiques lors d’ARD incluent :
- La présence de nombreux et volumineux agrégats de mélanine, ou macromélanosomes, de forme et de taille irrégulières, distribués de manière anarchique au sein du cortex et de la médulla des tiges pilaires. Ces macromélanosomes sont la signature microscopique de l’anomalie de distribution pigmentaire.
- Ces accumulations pigmentaires peuvent entraîner une distorsion significative de l’architecture de la tige pilaire, la rendant irrégulière, et provoquer des points de fragilité conduisant à des fractures transversales ou obliques du poil.
- D’autres anomalies structurales des poils peuvent être visualisées, telles que des tiges pilaires déformées, tordues, présentant des angulations anormales, ou une cuticule endommagée ou absente par endroits, notamment au niveau des zones de concentration des macromélanosomes.
5.3. Biopsie Cutanée et Caractéristiques Histopathologiques Clés
La biopsie cutanée, suivie d’un examen histopathologique par un vétérinaire pathologiste expérimenté, est souvent l’examen de choix pour confirmer le diagnostic d’ARD, en particulier dans les cas atypiques ou pour exclure d’autres dermatoses. Il est recommandé de réaliser plusieurs biopsies (punch de 6 ou 8 mm) sur des zones représentatives de l’alopécie, en incluant si possible des lésions primaires telles que des papules folliculaires, ainsi qu’une zone de peau apparemment saine à des fins comparatives.
Les caractéristiques histopathologiques considérées comme typiques et diagnostiques de l’ARD sont résumées dans le Tableau 2.
Tableau 2 : Principales Caractéristiques Histopathologiques de l’Alopécie des Robes Diluées (ARD)
Caractéristique Histopathologique |
Localisation Préférentielle |
Description Détaillée |
Importance Diagnostique |
---|---|---|---|
Agrégats de Mélanine (Macromélanosomes) |
Épiderme (couche basale), Épithélium folliculaire (gaines, matrice), Tiges pilaires, Derme (mélanophages) |
Grosses granulations ou blocs de pigment mélanique, de forme et taille irrégulières, souvent massives. |
Très élevée ; signe quasi pathognomonique en contexte clinique compatible. |
Hyperkératose Folliculaire |
Infundibulum des follicules pileux |
Épaississement de la couche cornée au sein du follicule, conduisant à la formation de bouchons de kératine lamellaire qui dilatent l’ouverture folliculaire. |
Élevée ; contribue aux comédons et à la folliculite. |
Dysplasie Folliculaire |
Follicules pileux (ensemble de la structure) |
Follicules de forme irrégulière, tordus, distordus, parfois atrophiques, kystiques ou présentant un aspect en “pied de sorcière”. Nombreux follicules en phase télogène. |
Élevée ; reflète l’anomalie de développement et de fonctionnement du follicule. |
Incontinence Pigmentaire / Mélanophages Dermiques |
Derme (principalement péribulbaire et périfolliculaire) |
Présence de pigment mélanique libre dans le derme et/ou de macrophages (mélanophages) ayant phagocyté ce pigment, suite à sa libération par les cellules épidermiques ou folliculaires endommagées. |
Modérée à élevée ; indique un remaniement pigmentaire. |
Hyperkératose Épidermique |
Épiderme interfolliculaire |
Épaississement de la couche cornée de l’épiderme, souvent de type orthokératosique. |
Modérée ; contribue à l’aspect squameux de la peau. |
Atrophie Folliculaire |
Follicules pileux |
Réduction de la taille des follicules pileux, particulièrement dans les stades avancés. |
Modérée ; conséquence de la dysplasie chronique. |
Infiltrat Inflammatoire |
Folliculaire, Périfolliculaire, Dermique |
En l’absence de surinfection, l’infiltrat est généralement minime à léger, lymphoplasmocytaire. En cas de pyodermite secondaire, un infiltrat neutrophilique (suppuratif) ou pyogranulomateux (en cas de furonculose) sera observé. |
Variable ; dépend de la présence de complications. |
La combinaison de ces lésions, en particulier la présence de macromélanosomes dans un contexte de dysplasie folliculaire et d’hyperkératose chez un chien à robe diluée, est fortement suggestive du diagnostic d’ARD.
5.4. Diagnostic Différentiel
Il est impératif de distinguer l’ARD d’autres affections dermatologiques canines pouvant se manifester par une alopécie, qu’elle soit localisée ou généralisée. Le Tableau 3 présente les principaux diagnostics différentiels et les critères permettant de les distinguer de l’ARD.
Tableau 3 : Diagnostic Différentiel de l’Alopécie des Robes Diluées (ARD) et Critères Distinctifs
Affection |
Signes Cliniques Clés (outre alopécie) |
Résultats Trichogramme Typiques |
Résultats Histopathologie Typiques |
Tests Complémentaires Spécifiques |
---|---|---|---|---|
Alopécie des Robes Diluées (ARD) |
Robe diluée, alopécie progressive sur tronc, squames, papules/pustules folliculaires, pyodermite secondaire fréquente, prurit si infection. Épargne des zones non diluées. |
Macromélanosomes, tiges pilaires déformées/fracturées. |
Hyperkératose folliculaire, macromélanosomes (épiderme, follicules, poils), dysplasie folliculaire, mélanophages dermiques. |
Anamnèse, clinique, trichogramme, biopsie. Test génétique MLPH (prédisposition). |
Hypothyroïdie |
Alopécie symétrique, non prurigineuse (sauf si pyodermite), pelage terne, sec, peau épaissie (myxœdème), léthargie, prise de poids. |
Poils majoritairement en télogène, pas de macromélanosomes. |
Atrophie folliculaire, hyperkératose épidermique et folliculaire, mucinose dermique. Absence de macromélanosomes. |
Dosage T4 totale, TSH, T4 libre (par dialyse à l’équilibre). |
Hypercorticisme (Syndrome de Cushing) |
Alopécie tronculaire bilatérale symétrique, peau fine, atrophique, comédons, calcinose cutanée, distension abdominale, polyuro-polydipsie. |
Poils majoritairement en télogène, pas de macromélanosomes. |
Atrophie épidermique, dermique et folliculaire, hyperkératose folliculaire, comédons, dépôts de calcium (calcinose). Absence de macromélanosomes. |
Tests de freination à la dexaméthasone (faible dose), test de stimulation à l’ACTH, ratio cortisol/créatinine urinaire. |
Dysplasie Folliculaire des Poils Noirs (DFPN) |
Alopécie affectant uniquement les zones de pelage noir chez des chiens à panachure blanche. Apparition précoce. |
Similaire à ARD mais uniquement sur poils noirs : macromélanosomes, anomalies structurales. |
Quasi identique à l’ARD : macromélanosomes dans les zones noires, dysplasie folliculaire. |
Clinique (distribution des lésions), trichogramme, biopsie. |
Alopécie X (Dysplasie folliculaire des races nordiques) |
Alopécie symétrique progressive (tronc, cou, cuisses), hyperpigmentation cutanée. Races prédisposées (Spitz, Husky, Malamute). |
Poils en “flamme” (catagène/télogène), pas de macromélanosomes. |
Atrophie folliculaire, hyperkératose infundibulaire, kératinisation trichilemmale. Absence de macromélanosomes. |
Exclusion des endocrinopathies, biopsie. Réponse parfois à la castration ou à la mélatonine. |
Démodécie Généralisée |
Alopécie multifocale à généralisée, érythème, squames, comédons, papules, pustules, prurit variable. |
Visualisation de Demodex canis (adultes, larves, œufs). |
Folliculite/périfolliculite suppurative ou granulomateuse avec présence de démodex dans les follicules. |
Raclages cutanés profonds, trichogramme, (biopsie si raclages négatifs et forte suspicion). |
Dermatophytose |
Lésions alopéciques circulaires, squameuses, parfois croûteuses, prurit variable. Peut être généralisée. |
Spores fongiques et/ou hyphes sur ou dans les tiges pilaires (examen direct avec KOH ou lactophénol). |
Folliculite/périfolliculite, dermatite périvasculaire. Visualisation d’éléments fongiques avec colorations spéciales (PAS, Grocott). |
Examen en lumière de Wood (fluorescence pour certaines souches de Microsporum canis), culture fongique sur milieu de Sabouraud ou DTM. |
5.5. Tests Génétiques
Des tests génétiques moléculaires sont commercialement disponibles pour identifier les différents variants (allèles ‘d’, incluant d1, d2, d3) du gène MLPH qui sont responsables de la dilution de la couleur du pelage. Ces tests permettent de déterminer si un chien possède le génotype homozygote récessif (d/d) nécessaire pour exprimer une robe diluée et, par conséquent, pour être génétiquement prédisposé à l’ARD.
Cependant, il est crucial de souligner que, bien que ces tests confirment le statut de dilution d’un animal, ils ne peuvent pas prédire avec une certitude absolue si un chien porteur du génotype d/d développera effectivement les signes cliniques de l’alopécie. Cette limitation est directement liée au phénomène de pénétrance incomplète de l’ARD et à l’influence probable de gènes modificateurs ou de facteurs environnementaux, comme discuté en section 2.3.
Néanmoins, ces tests génétiques revêtent une importance considérable pour les programmes d’élevage. Ils permettent d’identifier les chiens hétérozygotes (D/d), qui possèdent un phénotype de robe non diluée (sauf si d’autres gènes de dilution sont présents) mais sont porteurs de l’allèle ‘d’ et peuvent donc le transmettre à leur descendance. En évitant les accouplements entre deux chiens porteurs (D/d x D/d) ou entre un porteur et un individu d/d, les éleveurs peuvent significativement réduire, voire éliminer, le risque de produire des chiots d/d susceptibles de développer l’ARD.
La démarche diagnostique de l’ARD est donc un processus intégratif qui ne saurait reposer sur un unique examen. Elle combine l’analyse rigoureuse du signalement et des signes cliniques, les résultats du trichogramme, et les conclusions de l’examen histopathologique. Le test génétique pour le gène MLPH s’inscrit dans cette démarche comme un outil précieux pour confirmer la prédisposition génétique à la dilution et pour orienter le conseil en élevage. Toutefois, le diagnostic de la maladie clinique, c’est-à-dire l’expression de l’alopécie, demeure dépendant de la confrontation de l’ensemble des données cliniques et paracliniques. L’identification future de biomarqueurs plus spécifiques ou de tests génétiques ciblant les gènes modificateurs de l’ARD constituerait une avancée diagnostique et pronostique majeure.
6. Prise en Charge Thérapeutique et Pronostic
La gestion de l’alopécie des robes diluées est principalement symptomatique, étant donné l’absence de traitement curatif pour cette affection d’origine génétique.
6.1. Principes Généraux de la Gestion
Il n’existe à ce jour aucun traitement capable de corriger le défaut génétique sous-jacent à l’ARD ou de restaurer une structure et une fonction folliculaires normales dans les zones de pelage dilué. Les anomalies structurelles des follicules pileux et des tiges pilaires induites par le défaut de pigmentation sont considérées comme permanentes.
En conséquence, la prise en charge thérapeutique de l’ARD vise plusieurs objectifs :
- Gérer les symptômes cutanés associés, tels que la sécheresse, la desquamation et le prurit (s’il est présent).
- Améliorer, dans la mesure du possible, la qualité de la peau et du pelage restant.
- Prévenir activement et traiter efficacement les infections cutanées secondaires, notamment les pyodermites bactériennes.
- Maintenir une bonne qualité de vie pour le chien affecté.
6.2. Traitements Symptomatiques
Soins topiques : L’utilisation régulière de produits topiques adaptés est la pierre angulaire de la gestion de l’ARD.
- Shampoings kératomodulateurs et émollients : Ces shampoings sont employés pour contrôler l’état kératoséborrhéique (desquamation, excès de sébum ou sécheresse) et pour maintenir une hydratation adéquate de la peau et du pelage. Des ingrédients actifs tels que le peroxyde de benzoyle peuvent être utiles pour leur action dégraissante, antibactérienne et comédolytique, en particulier en présence de folliculite ou de comédons. D’autres agents comme le soufre, l’acide salicylique, ou divers agents hydratants et émollients (urée, glycérol, avoine colloïdale, huiles végétales) peuvent également être bénéfiques selon le tableau clinique spécifique.
- Shampoings antiseptiques : L’utilisation de shampoings contenant des agents antiseptiques, tels que la chlorhexidine (à des concentrations de 2% à 4%), est essentielle pour la gestion à long terme et la prévention des pyodermites bactériennes secondaires, qui sont une complication fréquente. La fréquence des bains antiseptiques doit être adaptée à la sévérité des infections et peut varier d’une à plusieurs fois par semaine en phase aiguë, puis être espacée en phase d’entretien.
Gestion des surinfections bactériennes : En cas de pyodermite bactérienne avérée (folliculite, furonculose), en particulier si elle est profonde, étendue ou récurrente, une antibiothérapie systémique est souvent indispensable. Des antibiotiques de première intention, tels que la céfalexine ou l’association amoxicilline-acide clavulanique, sont généralement prescrits pour une durée de 3 à 6 semaines, ou au moins une semaine après la résolution clinique des lésions. Dans les cas d’infections chroniques ou réfractaires, il est fortement recommandé de réaliser une culture bactérienne avec antibiogramme à partir de prélèvements de pustules intactes ou de biopsies cutanées, afin de guider le choix de l’antibiotique le plus approprié et de limiter le développement de résistances bactériennes.
6.4. Pronostic à Long Terme
Le pronostic vital des chiens atteints d’alopécie des robes diluées est excellent. L’ARD est une affection purement dermatologique qui n’affecte pas l’espérance de vie de l’animal ni son état de santé général, en dehors de ses manifestations cutanées.
Cependant, le pronostic concernant la repousse pilaire est réservé à mauvais. L’alopécie est généralement progressive et tend à devenir permanente dans les zones de couleur diluée. Une repousse significative et durable des poils est rarement observée, même avec les diverses approches thérapeutiques symptomatiques ou adjuvantes.
6.5. Complications à Long Terme
Les complications à long terme de l’ARD sont principalement de nature dermatologique :
- Pyodermites bactériennes récurrentes : En raison de la dysplasie folliculaire, des troubles de la kératinisation et de la rupture de la barrière cutanée, les chiens atteints d’ARD sont très sujets aux infections bactériennes cutanées (folliculites, furonculoses) récidivantes. Ces infections peuvent nécessiter des traitements antimicrobiens répétés, voire une gestion antiseptique topique continue à long terme pour limiter leur fréquence et leur sévérité.
- Risque accru de néoplasies cutanées : Bien que les données épidémiologiques robustes fassent encore défaut, il a été suggéré que la perte chronique de la protection offerte par le pelage et l’exposition accrue de la peau aux rayonnements ultraviolets (UV) pourraient augmenter le risque de développement de tumeurs cutanées, notamment le carcinome épidermoïde. Un cas de carcinome épidermoïde s’étant développé sur les zones alopéciques d’un chien atteint d’ARD a été rapporté dans la littérature. Par mesure de précaution, une protection solaire (évitement des expositions prolongées aux heures de fort ensoleillement, utilisation de vêtements protecteurs ou d’écrans solaires adaptés aux chiens) peut être conseillée pour les animaux présentant une alopécie étendue.
6.6. Conseils aux Éleveurs et Prévention
Étant donné la nature héréditaire de l’ARD, avec une transmission autosomique récessive clairement liée aux variants du gène MLPH, la prévention par une sélection rigoureuse en élevage est la stratégie la plus efficace pour réduire l’incidence de cette affection.
- Il est formellement recommandé d’écarter de la reproduction les chiens atteints d’ARD (c’est-à-dire ceux qui présentent un génotype MLPH d/d et qui manifestent les signes cliniques de l’alopécie).
- Les parents (père et mère) d’un chiot atteint d’ARD sont obligatoirement porteurs de l’allèle ‘d’ (soit hétérozygotes D/d, soit eux-mêmes atteints d/d). Les frères et sœurs d’un chien atteint ont également une probabilité élevée d’être porteurs ou atteints et devraient être testés génétiquement avant toute mise à la reproduction.
- L’utilisation des tests génétiques pour le locus D (MLPH) est un outil précieux qui permet d’identifier les chiens porteurs hétérozygotes (D/d). Ces derniers ne présentent pas de robe diluée (et donc pas d’ARD), mais peuvent transmettre l’allèle ‘d’ à leur descendance. En évitant les accouplements entre deux chiens porteurs (D/d x D/d), ou entre un porteur et un individu d/d, les éleveurs peuvent prévenir la naissance de chiots homozygotes d/d, qui seraient alors susceptibles de développer l’ARD.
- La situation est toutefois complexifiée par la pénétrance incomplète de l’ARD. Certains chiens possédant un génotype d/d peuvent ne pas développer de signes cliniques d’alopécie (ou seulement des signes très discrets) et être néanmoins utilisés pour la reproduction. S’ils sont accouplés avec d’autres chiens d/d ou des porteurs D/d, ils peuvent transmettre la prédisposition à l’ARD, surtout si les éventuels gènes modificateurs “protecteurs” ne sont pas également transmis ou si les conditions environnementales de leur descendance diffèrent. Une stratégie de sélection optimale devrait donc idéalement combiner le génotypage pour le gène MLPH avec une évaluation phénotypique rigoureuse (absence d’ARD clinique chez les chiens de couleur diluée retenus pour la reproduction et dans leur proche parentèle).
La gestion à long terme de l’ARD représente un engagement certain pour le propriétaire, impliquant des soins cutanés réguliers et une vigilance constante vis-à-vis des complications potentielles. Pour les éleveurs, la prévention par une sélection génétique éclairée est primordiale. L’existence de races comme le Braque de Weimar, qui sont majoritairement d/d mais ne développent que très rarement l’ARD, constitue une piste de recherche particulièrement intéressante. L’identification des facteurs génétiques “protecteurs” présents chez ces races pourrait, à terme, non seulement affiner les stratégies de sélection mais aussi, potentiellement, ouvrir de nouvelles perspectives pour la prévention ou la modulation de l’expression de l’ARD chez les races plus sensibles.
7. Conclusion
L’alopécie des robes diluées (ARD) est une génodermatose canine dont la compréhension a significativement progressé avec l’identification du rôle central du gène MLPH dans la dilution de la couleur du pelage et la prédisposition à l’alopécie. Néanmoins, la variabilité considérable de son expression clinique, caractérisée par une pénétrance incomplète, met en lumière la probable implication d’autres facteurs génétiques modificateurs ou de facteurs environnementaux qui demeurent, pour une large part, à élucider. Cette complexité étiologique représente un défi tant pour le diagnostic que pour le conseil génétique.
Le diagnostic de l’ARD repose sur une approche multimodale rigoureuse, intégrant l’anamnèse (race, couleur de robe, antécédents), les signes cliniques caractéristiques (alopécie progressive sur les zones diluées, modifications de la qualité du pelage, lésions cutanées secondaires), les observations microscopiques du trichogramme (présence de macromélanosomes), et les lésions histopathologiques typiques (dysplasie folliculaire, agrégats de mélanine, hyperkératose folliculaire). Les tests génétiques pour les variants du MLPH confirment la prédisposition liée à la dilution mais ne prédisent pas l’apparition de l’alopécie.
En l’absence de traitement curatif, la prise en charge de l’ARD est essentiellement symptomatique. Elle vise à améliorer le confort cutané du chien, à contrôler les troubles de la kératinisation et à prévenir ou traiter les complications infectieuses, principalement les pyodermites bactériennes récurrentes. Les thérapies adjuvantes telles que la mélatonine, les acides gras essentiels ou les rétinoïdes ont montré une efficacité limitée ou non confirmée pour la repousse pilaire dans cette affection.
La prévention, par le biais de stratégies d’élevage responsables incluant le dépistage génétique des reproducteurs pour les allèles de dilution du MLPH et la sélection phénotypique, est cruciale pour réduire l’incidence de l’ARD dans les races prédisposées.
Les perspectives de recherche futures devraient se concentrer sur l’identification et la caractérisation des gènes modificateurs et des facteurs environnementaux impliqués dans l’expression de l’ARD. Une meilleure compréhension de ces éléments permettrait d’affiner l’évaluation du risque de développer l’alopécie chez les chiens porteurs du génotype d/d et, potentiellement, d’ouvrir la voie à de nouvelles approches préventives ciblées ou à des interventions thérapeutiques innovantes visant à moduler l’expression de cette génodermatose complexe.
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