L’alopécie récidivante des flancs canine (ARFC) est une dermatose relativement fréquente, caractérisée par l’apparition cyclique ou saisonnière de zones d’alopécie non inflammatoire, localisées préférentiellement sur les flancs.
L’ARFC reste une affection dont l’étiopathogénie est incomplètement élucidée et dont la documentation dans la littérature scientifique, bien qu’existante, mérite une synthèse actualisée. Cet article a pour objectif de réaliser une mise au point des connaissances actuelles sur l’ARFC, en se basant sur les données issues de publications scientifiques. Seront abordés successivement l’épidémiologie, les hypothèses étiopathogéniques, la présentation clinique et les variations, la démarche diagnostique incluant les diagnostics différentiels et les examens complémentaires, les caractéristiques histopathologiques typiques, l’évaluation critique des options thérapeutiques proposées, ainsi que le pronostic de cette affection.
Définition et Nomenclature
Plusieurs dénominations ont été utilisées pour décrire cette entité clinique, incluant “alopécie saisonnière des flancs”, “alopécie cyclique idiopathique des flancs” ou encore “dysplasie folliculaire cyclique”. Cependant, aucune de ces appellations n’est parfaitement adéquate. L’alopécie n’est pas toujours complète (parfois simples modifications de couleur ou de texture du pelage), elle n’est pas strictement confinée aux flancs (d’autres zones peuvent être atteintes), et le caractère saisonnier ou récurrent n’est pas systématique chez tous les individus affectés. Le terme “alopécie récidivante des flancs canine” est souvent préféré car il englobe la localisation la plus fréquente et le caractère cyclique souvent observé, tout en reconnaissant ces variations. La première description formelle de cette condition dans la littérature vétérinaire remonte à 1990 par Scott, qui rapporta des cas d’alopécie non cicatricielle fluctuante chez cinq chiennes stérilisées.
Cette affection, bien que visuellement marquante pour les propriétaires, est considérée comme essentiellement cosmétique et n’est pas associée à des signes systémiques ou à une altération de la santé générale de l’animal.
Aspect donnant l’impression que le chien a été tondu
Épidémiologie
Prédispositions Raciales
L’ARFC est décrite dans de nombreuses races canines, mais une nette prédisposition raciale est rapportée, suggérant fortement une composante génétique sous-jacente. Cette observation répétée dans diverses études implique que des facteurs héréditaires rendent certaines lignées plus susceptibles de développer la maladie. Le Boxer est la race la plus fréquemment citée et semble particulièrement prédisposée. D’autres races sont également considérées à risque accru, notamment le Bulldog Anglais, l’Airedale Terrier, le Schnauzer (nain, moyen et géant), le Bouvier des Flandres, le Doberman, le Labrador Retriever, le Golden Retriever, le Griffon Korthals et l’Affenpinscher. Des études plus récentes ont également inclus le Rhodesian Ridgeback et le Staffordshire Bull Terrier parmi les races affectées. Une forme atypique d’alopécie récidivante des flancs a été spécifiquement étudiée chez le Cesky Fousek.
L’ARFC existe également dans les races à robe claire
Âge d’Apparition
L’âge d’apparition de l’ARFC est variable, s’étendant de 1 an à 11 ans. Toutefois, la majorité des cas développent les premiers signes cliniques entre 3 et 6 ans. Des études spécifiques sur les Boxers et Airedale Terriers ont rapporté un âge moyen d’apparition autour de 3,6 ans, tandis qu’une autre source mentionne une moyenne de 3,8 ans. L’âge moyen au moment du diagnostic est souvent autour de 4 ans.
Distribution selon le Sexe et le Statut Reproducteur
Initialement, certaines publications rapportaient une surreprésentation des femelles stérilisées. Cependant, des observations ultérieures et des études plus larges ont clairement établi qu’il n’existe pas de prédisposition liée au sexe ou au statut reproducteur. Les mâles et les femelles, qu’ils soient entiers ou stérilisés, peuvent être atteints par l’ARFC.
Influence Saisonnière et Géographique
Un des aspects les plus caractéristiques de l’ARFC est sa fréquente saisonnalité. Dans l’hémisphère nord, l’alopécie apparaît typiquement pendant les mois où la durée d’ensoleillement est la plus courte, généralement entre novembre et mars ou avril. La repousse se produit ensuite spontanément au printemps ou en été.
De manière significative, une corrélation inverse a été observée dans l’hémisphère sud (Australie, Nouvelle-Zélande, Brésil), où l’apparition de l’alopécie coïncide également avec les mois de jours courts (hiver et printemps australs). Cette observation constitue un argument fort en faveur du rôle de la photopériode comme facteur déclenchant majeur. Si des facteurs environnementaux saisonniers classiques comme la température ou l’humidité étaient primordiaux, on s’attendrait à une apparition durant la même saison calendaire (par exemple, l’hiver) dans les deux hémisphères, ce qui n’est pas le cas. La coïncidence systématique avec la diminution de la durée du jour (et donc l’augmentation de la durée de la nuit) suggère fortement l’implication d’un mécanisme biologique sensible aux cycles lumineux, probablement médié par la glande pinéale et les hormones associées comme la mélatonine et la prolactine.
Il est cependant important de noter que cette saisonnalité n’est pas une règle absolue. Certains chiens peuvent présenter des épisodes sporadiques, sauter une saison, ou même développer une alopécie qui devient permanente après plusieurs cycles.
Étiopathogénie
Cause Fondamentale Inconnue
Malgré les prédispositions raciales et la saisonnalité évocatrice, l’étiologie exacte de l’ARFC demeure inconnue à ce jour. Les investigations menées pour identifier une cause endocrinienne systémique sous-jacente se sont révélées infructueuses. Les bilans thyroïdiens, les explorations de la fonction surrénalienne (pour exclure un hypercorticisme) et les dosages des hormones de croissance ou des hormones sexuelles circulantes sont généralement dans les limites de la normale chez les chiens atteints d’ARFC. Néanmoins, l’hypothèse d’une altération localisée au niveau des follicules pileux, telle qu’une modification du nombre ou de la sensibilité des récepteurs hormonaux, ne peut être formellement écartée et reste une piste possible.
Hypothèse de la Photopériode
L’influence de la photopériode (la durée quotidienne d’exposition à la lumière) est l’hypothèse étiopathogénique la mieux étayée par les observations cliniques et épidémiologiques. La saisonnalité marquée, corrélée à la diminution de la durée du jour dans les deux hémisphères, en est l’indice principal. Cette hypothèse est renforcée par des rapports anecdotiques décrivant des chiens développant des lésions en dehors de la saison habituelle lorsqu’ils sont maintenus dans des environnements sombres ou à faible luminosité. Inversement, des tentatives de prévention par luminothérapie (exposition à une lumière artificielle intense pendant 15-16 heures par jour durant les mois à risque) auraient montré un certain succès dans des cas isolés, bien que des études contrôlées fassent défaut pour confirmer cette approche.
Rôle de la Mélatonine
La mélatonine est une neurohormone principalement synthétisée par la glande pinéale durant la période d’obscurité; sa production est donc inversement proportionnelle à la durée du jour. Elle joue un rôle fondamental dans la régulation des rythmes circadiens et saisonniers, y compris le cycle pilaire et la mue saisonnière, chez de nombreuses espèces mammifères. L’hypothèse principale concernant l’ARFC postule qu’une production endogène insuffisante de mélatonine, ou une altération de sa réception ou de sa signalisation au niveau des follicules pileux chez des individus génétiquement prédisposés, pourrait être un facteur clé dans la pathogenèse. La mélatonine pourrait agir directement sur les récepteurs présents sur les cellules folliculaires ou indirectement en modulant la sécrétion d’autres hormones impliquées dans le cycle pilaire, comme l’hormone mélanotrope (MSH) ou la prolactine. L’utilisation empirique de la mélatonine comme traitement est basée sur cette hypothèse.
Rôle de la Prolactine
La prolactine est une autre hormone dont la sécrétion est influencée par la photopériode, souvent de manière inverse à celle de la mélatonine (une augmentation de la mélatonine tend à diminuer les niveaux de prolactine). Chez certaines espèces comme le mouton, la diminution de la prolactine induite par l’augmentation de la mélatonine est associée à l’induction du pelage d’hiver. Des études chez la souris et le mouton ont montré que la prolactine peut avoir des effets inhibiteurs sur la phase anagène (croissance) du follicule pileux, pouvant réduire la longueur du poil, raccourcir l’anagène, induire la chute (exogène) ou prolonger la phase télogène (repos). Bien qu’aucune étude n’ait spécifiquement évalué le rôle de la prolactine dans l’ARFC, son implication dans la régulation photopériodique du cycle pilaire en fait un acteur potentiel dans la pathogenèse de cette affection.
Facteurs Génétiques
La forte prédisposition observée dans certaines races (Boxer, Airedale, Bulldog Anglais, etc.) est un argument majeur en faveur d’une composante génétique dans l’ARFC. Des études génétiques ont commencé à explorer cette piste. Une étude par cartographie d’association pangénomique a été menée sur une forme atypique d’ARF (aRFA) chez le Cesky Fousek. Cette étude a identifié plusieurs régions chromosomiques (locus) associées à la maladie, suggérant une base polygénique (impliquant plusieurs gènes) plutôt qu’une mutation unique. L’analyse a mis en évidence 144 gènes candidats potentiellement impliqués dans quatre voies métaboliques principales: la formation du collagène, la structure et la contraction musculaires (potentiellement lié au muscle arrecteur du poil), le métabolisme lipidique (qui peut influencer les voies de signalisation du développement folliculaire comme WNT ou SHH), et le système immunitaire. De plus, des gènes liés à la régulation du rythme circadien et au métabolisme de la mélatonine figuraient parmi les candidats, renforçant le lien avec la photopériode.
La mise en évidence de voies métaboliques aussi diverses (collagène, muscle, lipides, immunité) associées à l’aRFA suggère une complexité inattendue. Plutôt qu’une simple dérégulation hormonale directe du cycle pilaire, la pathogenèse de l’ARFC pourrait impliquer une perturbation plus fondamentale de l’homéostasie de la peau ou de la structure même du follicule pileux. Ces altérations structurelles ou métaboliques intrinsèques, d’origine génétique, pourraient rendre les follicules anormalement sensibles aux déclencheurs saisonniers ou hormonaux (photopériode, mélatonine, prolactine). Ce modèle dépasse la simple chaîne causale “photopériode hormone → arrêt du cycle” et suggère une interaction complexe entre une susceptibilité tissulaire héritée et des facteurs environnementaux déclenchants.
Il est à noter qu’une autre étude ciblant spécifiquement le gène MLPH (associé à la dilution de couleur) chez le Rhodesian Ridgeback n’a pas trouvé d’association avec l’ARFC dans cette race. Cela indique que la base génétique peut être hétérogène selon les races ou que les gènes impliqués sont différents de ceux liés à la pigmentation.
Mécanismes Folliculaires
Sur le plan fonctionnel, l’ARFC est considérée comme une anomalie du cycle pilaire, souvent qualifiée d’arrêt du cycle pilaire (“Hair Cycle Arrest”). L’histopathologie suggère un défaut majeur dans l’initiation ou la progression de la phase anagène (croissance). Cela conduit à une accumulation de follicules pileux en phase télogène (repos) ou, après la chute du poil télogène sans remplacement immédiat.
Le terme “dysplasie folliculaire cyclique” est parfois utilisé, faisant référence à l’aspect morphologiquement anormal des follicules observés à l’histologie. Les follicules peuvent apparaître atrophiques, déformés, avec des structures basales irrégulières. Cependant, le terme “dysplasie” (développement anormal) peut être débattu, certains préférant se concentrer sur l’aspect fonctionnel d’arrêt du cycle.
Diagnostic
Démarche Clinique
Le diagnostic de suspicion d’ARFC repose en premier lieu sur une anamnèse détaillée et un examen clinique rigoureux. Les éléments clés de l’anamnèse incluent l’appartenance à une race prédisposée, l’âge d’apparition typique (jeune adulte à adulte d’âge moyen), le caractère saisonnier et récurrent des épisodes d’alopécie (si présent), et l’absence de signes généraux ou de prurit.
L’examen dermatologique recherche les signes cliniques cardinaux :
- Alopécie non inflammatoire et non prurigineuse: C’est une caractéristique essentielle. La peau sous-jacente n’est généralement pas rouge, épaissie ou irritée, et le chien ne se gratte pas.
- Localisation typique: L’atteinte prédomine sur les flancs (région thoraco-lombaire latérale ou dorso-latérale). Elle est souvent bilatérale, mais la symétrie n’est pas toujours parfaite, et une atteinte unilatérale, bien que rare, est possible.
- Aspect des lésions: Les zones alopéciques sont généralement bien délimitées, avec des bords nets, parfois irréguliers ou serpigineux, formant des motifs “en carte de géographie”. La taille des lésions est variable, allant de quelques centimètres à la quasi-totalité de la région thoraco-lombaire.
- Hyperpigmentation: Une coloration foncée (noire ou brune) de la peau dans les zones alopéciques est très fréquente mais pas constante. Son absence ne permet pas d’exclure le diagnostic, car la capacité à hyperpigmenter varie selon les races et les individus.
- Épilation facile: Au début d’un épisode de chute, les poils en périphérie des lésions ou dans les zones atteintes peuvent souvent être épilés facilement par traction douce (trichogramme positif).
Il faut également connaître les présentations atypiques qui peuvent compliquer le diagnostic initial: atteinte du chanfrein ou de la région périoculaire (particulièrement chez les Labrador et Golden Retrievers), atteinte plus généralisée, ou simples changements de couleur (par exemple, aurotrichie poils devenant dorés) ou de texture du pelage des flancs sans alopécie visible. De rares cas associés à une dermatite d’interface histologique ont aussi été décrits.
Diagnostics Différentiels
Étant donné que l’alopécie symétrique non inflammatoire est un motif de consultation pouvant correspondre à plusieurs affections, il est crucial d’établir un diagnostic différentiel rigoureux pour exclure d’autres causes potentielles. Les principales catégories à considérer sont :
- Endocrinopathies: L’hypothyroïdie et l’hypercorticisme (spontané ou iatrogène) sont les différentiels majeurs. Contrairement à l’ARFC, ces maladies s’accompagnent souvent de signes systémiques (léthargie, polyuro-polydipsie, prise de poids, etc.) et d’autres anomalies cutanées (peau fine, comédons, pyodermite récidivante). Les déséquilibres des hormones sexuelles sont plus rares mais possibles.
- Autres alopécies non inflammatoires: L’Alopécie X (partageant des similarités cliniques et parfois histologiques), l’alopécie des robes diluées, diverses dysplasies folliculaires spécifiques à certaines races, l’effluvium télogène (chute massive après un stress) ou anagène (chute lors de la phase de croissance, rare), et le “pattern baldness” (alopécie de patron) doivent être envisagés.
- Causes infectieuses/parasitaires: Bien que l’ARFC soit non inflammatoire, une démodécie généralisée ou une dermatophytose peuvent parfois mimer une alopécie symétrique, surtout au début. Une folliculite bactérienne peut aussi survenir secondairement sur les zones alopéciques de l’ARFC.
- Autres: L’adénite sébacée (inflammation des glandes sébacées), l’alopécie post-tonte (absence de repousse après rasage), l’alopécie areata (mécanisme immunitaire), les réactions cutanées post-injection (vaccin, médicaments) ou l’alopécie de traction (due aux élastiques par exemple) sont d’autres différentiels possibles, bien que souvent avec une distribution ou une histoire clinique différente.
Examens Complémentaires
La confirmation du diagnostic d’ARFC et l’exclusion des différentiels nécessitent le recours à des examens complémentaires:
- Examens de première intention: Raclages cutanés profonds, trichogrammes (examen des poils au microscope), cytologie cutanée (recherche de bactéries, levures) et éventuellement culture fongique sont indispensables pour écarter une démodécie, une dermatophytose ou une infection secondaire.
- Bilans sanguins et hormonaux: Un hémogramme et un bilan biochimique sont utiles pour évaluer l’état général et rechercher des indices d’endocrinopathie. Des dosages hormonaux spécifiques, a minima T4 totale et TSH, sont nécessaires pour exclure une hypothyroïdie. En cas de suspicion d’hypercorticisme, des tests de freination à la dexamethasone faible dose ou de stimulation à l’ACTH peuvent être indiqués.
- Biopsies cutanées: L’examen histopathologique de biopsies cutanées est considéré comme l’étape clé pour confirmer la suspicion d’ARFC et exclure d’autres dermatoses ayant une présentation similaire. Il est recommandé de réaliser plusieurs biopsies (punch de 6 à 8 mm de diamètre) prélevées au sein des lésions alopéciques caractéristiques. Le choix du moment de la biopsie est important, car les lésions histologiques peuvent varier selon le stade d’évolution (phase de chute, phase d’état, phase de repousse). Idéalement, les biopsies devraient être réalisées lorsque l’alopécie est bien installée.
Il est crucial de comprendre que, bien que l’histopathologie apporte des éléments très suggestifs, les lésions observées dans l’ARFC (hyperkératose infundibulaire, follicules atrophiques/dysplasiques) ne sont pas strictement pathognomoniques et peuvent parfois se retrouver, à des degrés divers, dans d’autres affections comme certaines endocrinopathies ou dysplasies folliculaires. Par conséquent, le diagnostic définitif de l’ARFC ne repose pas uniquement sur la biopsie mais sur une démarche intégrative. Il nécessite la convergence de plusieurs éléments: une présentation clinique compatible (race, âge, saisonnalité, aspect des lésions), l’exclusion rigoureuse des diagnostics différentiels (notamment endocriniens et parasitaires) par les examens appropriés, et des résultats histopathologiques compatibles avec une alopécie non inflammatoire présentant les caractéristiques folliculaires décrites pour l’ARFC.
Histopathologie
Caractéristiques Générales
L’examen histopathologique des biopsies cutanées prélevées en zone alopécique chez un chien atteint d’ARFC révèle typiquement une alopécie non inflammatoire. L’infiltrat inflammatoire dans le derme ou autour des follicules est généralement absent ou très discret, ce qui est un critère important pour différencier l’ARFC des alopécies d’origine inflammatoire ou infectieuse.
Anomalies Folliculaires
Les modifications les plus caractéristiques concernent les follicules pileux et leurs structures associées :
- Hyperkératose infundibulaire: C’est l’un des signes les plus constants et les plus marqués. Il s’agit d’un épaississement important de la couche cornée (kératine) au niveau de la portion supérieure du follicule pileux (infundibulum). Cet excès de kératine peut obstruer l’ouverture folliculaire et s’étendre parfois aux follicules secondaires ou aux canaux des glandes sébacées.
- Dilatation infundibulaire: Les infundibula peuvent apparaître nettement élargis, formant des structures kystiques remplies de lamelles de kératine.
- Atrophie et Dysplasie folliculaire: Les portions moyennes et profondes des follicules pileux (isthme et bulbe) sont souvent atrophiques, c’est-à-dire réduites en taille. Elles peuvent également présenter des aspects dysplasiques, avec des formes irrégulières, tortueuses, et des structures bulbaires mal définies ou déformées.
- Aspect en “pied de sorcière” (“witch’s feet”) ou “poulpe”: Ces termes imagés décrivent une apparence particulière des follicules atrophiques/dysplasiques, caractérisée par des projections épithéliales irrégulières et ramifiées partant de la base du follicule et s’étendant dans le derme environnant. Cet aspect est considéré comme très suggestif de l’ARFC, bien que non exclusif.
- Arrêt du cycle pilaire: L’analyse des phases du cycle pilaire révèle une nette prédominance des follicules en phase télogène (phase de repos) ou catagène (phase de transition régressive). Les follicules en phase anagène (phase de croissance active) sont rares ou absents dans les biopsies réalisées pendant la phase alopécique. Une augmentation du nombre de follicules en phase kenogène (follicules vides après la chute du poil télogène, avant le démarrage d’un nouveau cycle anagène) est également une constatation fréquente, témoignant d’un défaut dans l’induction de la nouvelle phase de croissance. Il faut noter que la distribution des phases peut être très variable d’un individu à l’autre et dépend fortement du moment de la biopsie par rapport au cycle de la maladie. Si la biopsie est effectuée tardivement ou durant la phase de repousse, des follicules anagènes peuvent être observés.
Autres Constatations
D’autres modifications peuvent être observées :
- Agrégats de mélanine: Des amas de pigment mélanique peuvent être présents dans la lumière des infundibula dilatés, au sein des cellules épithéliales folliculaires, ou même dans les glandes sébacées associées.
- Épiderme et Derme: L’épiderme est généralement d’épaisseur normale, parfois discrètement hyperplasique ou hyperpigmenté en surface. Le derme ne présente pas d’anomalies significatives, notamment pas d’inflammation ni de fibrose.
Comparaison avec d’Autres Alopécies
Il est important de noter que certaines caractéristiques histologiques de l’ARFC ne sont pas exclusives. L’augmentation des follicules en phase kenogène est un signe commun à plusieurs troubles du cycle pilaire, indiquant une difficulté à initier la phase anagène. L’Alopécie X, par exemple, présente également une forte prédominance de follicules en phase télogène et un faible pourcentage d’anagènes, rendant parfois la distinction difficile sur la seule base histologique. Cependant, les aspects dysplasiques marqués, notamment l’image en “pied de sorcière”, semblent plus caractéristiques de l’ARFC. L’absence d’inflammation marquée permet de différencier l’ARFC des alopécies d’origine infectieuse, parasitaire ou immunitaire (comme l’alopécie areata ou l’adénite sébacée).
Pronostic
Évolution et Récidives
L’ARFC est, par définition, une affection souvent récidivante. Chez de nombreux chiens, les épisodes d’alopécie surviennent de manière cyclique, typiquement chaque année, en lien avec les changements saisonniers de la photopériode.
Cependant, l’évolution est marquée par une importante variabilité interindividuelle:
- Une proportion non négligeable de chiens (estimée à environ 20% dans une source) ne connaîtra qu’un seul épisode d’ARFC au cours de sa vie, sans récidive ultérieure.
- D’autres chiens présenteront des cycles très réguliers, avec une chute de poils survenant à la même période chaque année.
- Certains individus peuvent “sauter” une saison, ne présentant pas d’alopécie une année donnée, pour récidiver l’année suivante.
- Enfin, chez une partie des chiens, en particulier ceux qui ont présenté plusieurs cycles récurrents, l’alopécie peut finir par devenir permanente, ou la repousse entre les épisodes peut devenir de plus en plus incomplète.
Repousse Pilaire
La repousse spontanée des poils est une caractéristique fréquente de l’ARFC. Elle survient généralement dans un délai de 3 à 8 mois après le début de la chute, bien que des délais plus longs, allant jusqu’à 14 ou même 18 mois, aient été rapportés dans certains cas.
La qualité du pelage qui repousse est souvent altérée. Les nouveaux poils peuvent avoir une couleur différente (souvent plus foncée, mais parfois plus claire ou dorée – aurotrichie) et/ou une texture modifiée (plus terne, plus sèche, plus rêche) par rapport au pelage normal environnant. De ce fait, même après repousse, la zone précédemment alopécique reste souvent visuellement identifiable.
Le pronostic concernant une repousse complète, avec un poil de qualité et de couleur identiques à l’original, est donc variable et largement imprévisible pour un individu donné.
Impact sur la Qualité de Vie
Il est essentiel de réaffirmer que l’ARFC est une maladie strictement cosmétique. Elle n’affecte en rien la santé générale, le bien-être ou la longévité du chien. Le pronostic vital est excellent. L’impact principal est d’ordre esthétique pour le propriétaire.
Cette nature bénigne et souvent auto-résolutive justifie pleinement l’approche thérapeutique conservatrice (abstention ou “benign neglect”) comme une option de premier choix. L’absence de douleur ou de maladie systémique associée, combinée à la forte probabilité de repousse spontanée et à l’efficacité incertaine des traitements comme la mélatonine (démontrée dans une étude contrôlée), rend l’observation attentive une stratégie médicalement fondée. Elle permet d’éviter des interventions, des coûts et des contraintes potentiellement inutiles pour une condition qui n’altère pas la qualité de vie de l’animal.
Conclusion
L’alopécie récidivante des flancs canine (ARFC) est une dermatose caractérisée par des épisodes d’alopécie non inflammatoire, affectant principalement les flancs de manière cyclique ou saisonnière. Elle touche préférentiellement certaines races comme le Boxer, le Bulldog Anglais et l’Airedale Terrier, suggérant une prédisposition génétique. L’étiopathogénie exacte reste inconnue, mais l’influence de la photopériode est fortement suspectée, impliquant potentiellement des dérèglements dans la production ou la signalisation de la mélatonine et/ou de la prolactine au niveau des follicules pileux. Des études génétiques récentes suggèrent une base polygénique complexe impliquant diverses voies métaboliques au-delà de la simple régulation hormonale. Le diagnostic repose sur un tableau clinique évocateur (race, saisonnalité, aspect des lésions), l’exclusion rigoureuse des diagnostics différentiels (notamment endocrinopathies et parasites) et un examen histopathologique compatible (hyperkératose infundibulaire, follicules atrophiques/dysplasiques, absence d’inflammation, arrêt du cycle pilaire). Le pronostic vital est excellent, mais la repousse complète du pelage et la prévention des récidives restent imprévisibles.
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