Le contrôle de la dermatite atopique peut être réalisé par un traitement symptomatique ou étiologique. Ce dernier consiste notamment en l’utilisation d’une désensibilisation.
Auteur : William Bordeau
Cabinet VetDerm,
1 avenue Foch 94700 MAISONS-ALFORT
Si les traitements symptomatiques classiquement employés comme les antihistaminiques, les corticoïdes ou encore la ciclosporine, permettent généralement d’obtenir un contrôle rapide, la désensibilisation, elle, est bien plus lente à révéler ses effets. Il s’agit alors beaucoup plus d’un traitement de fond qui doit être proposé en respectant certaines règles.
Le principe de la désensibilisation, encore appelée hyposensibilisation, immunothérapie spécifique, ou plus récemment vaccination anti-allergénique, consiste à injecter des doses croissantes des atopènes auxquels l’animal est allergique, jusqu’à un rythme de maintenance où cette dose est alors constante.
Le mode d’action de la désensibilisation est en grande partie inconnu en médecine vétérinaire. En médecine humaine, on suppose qu’elle agit par modulation de la production de certains IgG et IgE, par baisse du nombre des cellules effectrices comme les mastocytes, les basophiles ou encore les éosinophiles, par baisse des médiateurs inflammatoires comme l’histamine, et par baisse de la production en interleukine 4 et 5, produits par les lymphocytes CD4.
Photo 1 : Westie présentant une dermatite atopique fortement évoluée.
Cette désensibilisation est classiquement employée en allergologie humaine, avec des résultats extrêmement variables, comme en médecine vétérinaire. Certains allant même jusqu’à penser qu’elle est inefficace chez les personnes atopiques. Trois études ont été menées en double aveugle dans l’espèce humaine. Au cours de la première, réalisée avec divers aéroallergènes, une bonne réponse a été obtenue chez 81 % des personnes ayant reçu la désensibilisation, contre 40 % chez les personnes traitées par le placebo. Au cours de la seconde, consistant en une désensibilisation à Dermatophagoïdes pteronyssinus, qui contrairement au chien, constitue le principal aéroallergène responsable de dermatite atopique chez l’homme, il n’a pas été constaté de différences d’efficacité entre les personnes traitées et celles recevant le placebo. Au cours de la troisième, une amélioration significative a également été observée chez les personnes désensibilisées à Dermatophagoïdes pteronyssinus. Plus récemment, des essais ont été réalisés avec la voie sublinguale. La désensibilisation s’est avérée efficace dans 64 à 74 % des cas par cette voie.
Chez le chien, de nombreux essais ont été réalisés, mais dans la très grande majorité des cas, il s’agissait d’études ouvertes. Une réponse a été obtenue dans 50 à 100 % des cas au cours de ces études. Seule une étude a été menée en double aveugle, il y a de cela maintenant près de vingt ans, par Ton Willemse. Au cours de cette étude, près de 60 % des chiens présentèrent une diminution d’au moins 50 % de leurs signes cliniques, avec une disparition complète des signes cliniques chez 56 % de ces chiens, comparés à une diminution d’au moins 50 % des signes cliniques chez 21 % des chiens traités par le placebo, et une rémission complète chez 80 % de ceux-ci.
Photo 2 : Chez ce même chien , on note un important érythème,
des croutes et une lichénification, ce qui en rend d’autant plus difficile le traitement
Il semble exister de nombreux facteurs de variation de cette réponse, même si bon nombre sont encore sujets à discussion. Cette réponse semble donc varier avec le type d’allergènes employés, le laboratoire qui fabrique le produit, la méthode de détermination de la sensibilisation (dans ce cadre on rappellera que les tests cutanés constituent à l’heure actuelle la méthode de référence dans la détermination de la sensibilisation allergénique), le protocole employé, la concentration employée et la durée du traitement.
Même si on pense actuellement que ces facteurs influent sur la réponse, aucune étude contrôlée ne l’a pour l’instant démontré. Deux facteurs semblent toutefois importants à prendre en considération. Le premier consiste en la réalisation d’une immunothérapie spécifique. De ce fait, il faut bannir les « soupes » dans lesquels de nombreux aéroallergènes sont inclus, alors que bon nombre n’entre pas dans l’apparition et l’entretien des manifestations cliniques. Mieux vaut cibler les aéroallergènes à injecter, en fonction de l’anamnèse et des commémoratifs, et notamment de la saisonnalité de la dermatite allergique. Le deuxième facteur consiste en la dose injectée. En effet, il semblerait que la réponse immunitaire dépende directement de la dose injectée, sans toutefois atteindre une dose qui pourrait être à l’origine d’effets secondaires.
Différentes études ouvertes ont mis en évidence un certains nombre de facteurs qui permettraient de prédire la réponse à la désensibilisation, comme l’âge a l’apparition de premières lésions, l’âge à l’instauration de la désensibilisation, la durée depuis laquelle la dermatite allergique évolue, la sévérité des manifestations cliniques, la race, l’importance de la positivité des tests cutanés, et finalement le ou les aéroallergènes responsables.
A l’heure actuelle, en allergologie vétérinaire, on considère que plus l’animal est jeune, que la dermatite allergique évolue depuis peu d’années, que les manifestations sont modérées, et que l’animal est sensibilisé à peu d’aéroallergènes, meilleure sera la réponse à la désensibilisation. Toutefois, ces impressions doivent être confortées par une étude menée en double aveugle avant de définitivement affirmer que ces facteurs influent sur la réponse. Dans l’attente, on considère actuellement qu’il s’agirait ici du meilleur candidat à une désensibilisation.
La réponse à la désensibilisation sera d’autant meilleure que l’on respectera certaines règles.
Premièrement, il convient de bien sélectionner les patients, et notamment de confirmer la dermatite atopique due aux aéroallergènes en éliminant toutes les autres dermatoses entrant dans son diagnostic différentiel comme la gale sarcoptique. Deuxièmement, il convient de bien sélectionner ses aéroallergènes, et ne pas inclure, sans réfléchir, tous ceux qui ont présenté une réponse positive lors d’intradermo-réactions voire de sérologie. Troisièmement, il est important de bien éduquer les propriétaires, en leur expliquant clairement les objectifs à atteindre, la longue durée nécessaire avant d’obtenir satisfaction, les risques de récidive, l’obtention d’un contrôle et non d’une guérison et finalement en leur expliquant qu’il s’agit d’un traitement au long terme nécessitant donc des contrôles réguliers pour gérer au mieux l’animal. Ces contrôles seront notamment l’occasion de surveiller l’apparition de complications infectieuses notamment d’une dermatite à Malassezia, ou d’une dermatose associée, comme une pulicose. Finalement, il faut prévenir les propriétaires du risque de survenue d’effets secondaires rares mais bien réels comme une exacerbation des manifestations cliniques dans les jours qui suivent les injections.
Si tous les laboratoires producteurs de désensibilisation s’accordent sur la nécessité d’injecter des doses croissantes d’aéroallergènes jusqu’à obtenir une dose constante, il n’existe toutefois aucun protocole optimal. Même si un canevas général peut être tiré, il convient bien souvent d’adapter le protocole classique à l’animal. En effet, en phase de maintenance, certains chiens demanderont une injection toutes les 3 semaines, et d’autres toutes les 4 semaines. Par contre, il est bien entendu important de ne pas passer à toutes les 4 semaines, si un résultat n’a pas été obtenu, à terme, toutes les 3 semaines.
La désensibilisation constitue donc un traitement de choix dans le contrôle de la dermatite atopique canine, tout en oubliant pas qu’il ne s’agit que d’un traitement de fond, qui nécessitera bien souvent le recours à d’autres molécules, au moins en début de traitement.
Photo 3: Les tests cutanés constituent toujours la méthode de référence
pour déterminer les sensibilisations allergéniques.
Référence
Hillier A (2003) Allergen specific immunotherapy in canine atopic dermatitis. Proceedings AAVD-ACVD, Monterey : 155-160
Lectures conseillées
- Willemse T, Van den Brom WE, Rijnberg A (1984) . Effect of hyposensitization in atopic dermatitis in dogs. J Amer Vet Med Assn 184: 1277-1280
- Griffin CE, Hillier A (2001) The ACVD Task Force on atopic dermatitis: allergen specific immunotherapy. Vet immunol Immunopathol 81: 363-384.
- Rosser E. Aquous hyposentitization in the treatment of canine atopic dermatitis: A retrospective study of 100 cases. In: kwhochka KW, Willemse T, Von Tscharner C (eds) Advances in veterinary dermatology, Vol. 3, Butterworth heinemann, Boston, 1998: 169-176.
- G Zur, SD White, PJ Ihrke, PH Kass, N Toebe (2002). Canine atopic dermatitis: a retrospective study of 169 cases examined at the University of California, Davis, 1992-1998. Part II. Response to hyposensitization. Vet Dermatol 13: 103-111.