Pulicose

INTRODUCTION

Les carnivores domestiques peuvent être infestés par plusieurs espèces de puces : Ctenocephalides felis, C.canis, Pulex irritans, Archeopsylla erinacei...
Dans plus de 90% des cas, c'est la "puce du chat" (Ctenocephalides felis) qui est retrouvée sur les chats ou les chiens domestiques.
Plus rarement, des puces de rongeurs, de petits carnivores ou insectivores sauvages, ou d'oiseaux peuvent être observées.
La sous-espèce présente en France est C.felis felis. Elle est peu spécifique et peut prendre son repas de sang sur les mammifères les plus variés (carnivores, lapin, ruminants ou homme). Les piqûres des propriétaires ne sont pas rares. Elles se traduisent par des papules prurigineuses, le plus souvent localisées sur les membres inférieurs (photos).
La puce est l'ectoparasite le plus courant, infestant les carnivores quelque soit leur mode de vie, rural ou urbain. La puce s'est adaptée à l'environnement extérieur comme aux maisons, et elle peut donc s'observer tout au long de l'année, bien que les infestations soient plus importantes du printemps à l'automne.
La présence des puces est généralement bien tolérée, notamment chez les chats. Dans certains cas cependant, la pulicose va se traduire par un prurit important (photos). Certains animaux vont présenter une dermite allergique par piqûre de puces, qui va se traduire par du prurit mais aussi des lésions cutanées importantes (photos).

Morphologie

Ctenocephalides felis felis est un Insecte de l'Ordre des Siphonaptère, du sous-ordre Pulicoidea, de la famille des Pulicidés. C'est un petit insecte de 2 à 4 mm, de coloration brun orangé à foncé, sans aile (photos).
La tête a le front bombée et possède 2 " peignes " (rangées d'épines ou cténidies) perpendiculaires (photos).
Le corps est aplati latéro-latéralement.
La 3ème paire de patte est très développée et adaptée au saut (photos).

Biologie

Depuis une dizaine d'années, des études portant sur la biologie de la puce du chat ont permis de préciser son cycle de développement. La connaissance de ce cycle est indispensable pour la conception d'une prévention efficace de l'infestation.
Certaines idées reçues concernant la puce du chat sont fausses, en particulier le fait que la puce adulte est un parasite transitoire présent uniquement sur le chat ou le chien au moment des repas sanguins. En fait, la puce adulte a tendance à rester définitivement sur le même animal, comme un parasite permanent. Une fois tombée, elle ne résiste que 1 à 4 jours environ dans le milieu. Seule une très faible proportion des puces présentes sur un carnivore va changer d'hôte et infester d'autres animaux. Le risque de contamination à proximité d'autres carnivores dans la salle d'attente par exemple ou en exposition, bien que très souvent évoqué, est faible.
Les puces adultes se reproduisent très rapidement, en 48 heures environ après leur premier repas sanguin, initié dans les 30 minutes qui suivent l'arrivée sur le chat ou le chien. Chaque femelle est capable de pondre jusqu'à 50 œufs par jours pendant 50 à 100 jours, avec une moyenne de 20 à 30 œufs par jour sur une période de 2 mois.
Ces œufs, de couleur blanche et de forme ovale, mesurent un demi millimètre de longueur ; ils ne sont pas fixés sur l'animal mais tombent sur le sol au gré des déplacements ou des phases de repos (photos).
Dans des conditions de température et d'humidité favorables, les œufs éclosent en quelques jours pour donner naissance à des larves vermiformes de quelques millimètres de longueur (photo). Ces dernières ne sont pas parasites ; elles se nourrissent de divers débris organiques, en particulier des déjections des puces adultes.
Les larves recherchent l'humidité mais fuient la lumière, elles peuvent se déplacer horizontalement d'environ 20 cm, de façon à se placer à l'abri (sous un fauteuil par exemple, ou à la base des fibres dans les moquettes et les tapis (photos). Après une évolution des 3 stades larvaires en quelques jours à un mois, chaque larve tisse un cocon dans lequel se déroule une métamorphose qui aboutit au stade adulte en une dizaine de jours. Si les conditions sont favorables autrement dit, si des animaux sont présents dans l'environnement, l'émergence des adultes est instantanée. Dans le cas contraire, les " jeunes " puces adultes sont capables de survivre, protégées dans leur cocon pendant plusieurs mois (en moyenne 150 jours).
Ces puces non émergées constituent une source importante de parasites immédiatement disponibles si un hôte passe à proximité. Ils sont par ailleurs relativement protégés de l'action des insecticides. Les puces nouvellement émergées recherchent activement un animal, et peuvent survivre environ 1 semaine à jeun.
Les conditions environnementales jouent beaucoup sur l'écologie et la chronologie des cycles de puces. Tous les stades sont sensibles à la dessiccation et une hygrométrie de 85% est optimale.
La température accélère ou freine le développement, un minimum de 22°C semble requis, au contraire une chaleur supérieure à 30°C diminue la longévité des adultes. En hiver, la température extérieure, proche de 0°C provoque la mort des larves et des pupes. Dans les maisons, si la température est de 19°C, le cycle évolutif est fortement et seul les adultes pré-émergés demeurent, dans l'attente de conditions plus favorables et d'un stimulus d'émergence. Ces éléments expliquent la présence de puces toute l'année, mais l'explosion démographique de leur population dès les beaux jours, compte tenu de leur prolificité et de la rapidité du cycle évolutif (Ctenocephalides felis, a pour une hygrométrie suffisante, un cycle qui dure 14 jours pour une température de 32 °C et 140 jours à 13°C).
L'émergence des puces à partir des cocons est soumise à divers stimulus. Le passage d'une ombre, des pas sur un sol, des vibrations peuvent induire la sortie des cocons. C'est le cas du passage de l'aspirateur, qui peut donc être très intéressant avant ou juste après un traitement insecticide de l'environnement.

Il faut retenir de cette étude biologique et écologique que la puce adulte est un parasite permanent, qui initie rapidement sa reproduction et est prolifique, alors que les formes immatures vivent dans l'environnement.

Le cycle de développement peut être très court (trois semaines), mais l'existence d'un stade de résistance (puces en cocon), permet à ces insectes de survivre lors de conditions défavorables: chute de température, absence de carnivores.

Etude clinique

La présence des puces, très mobiles dans le pelage, se solde par divers symptômes.
Il faut différencier le cas des carnivores allergiques ou non.
La majorité des animaux vont présenter un " agacement " et du prurit. Ils se grattent régulièrement, plus ou moins intensément, et se lèchent ou se mordillent. Ils cherchent dans ces cas à attraper puis avaler les puces. Les chats y arrivent très bien, ce caractère explique d'ailleurs la réalisation du cycle du ténia Dipylidium caninum, dont la puce est un hôte intermédiaire.
La tolérance à l'infestation est très variable, puisque certains carnivores vont tolérer des infestations de plusieurs centaines de puces, n'exprimant qu'un prurit modéré, alors que d'autres vont présenter une dermite allergique lors de la présence d'une dizaine de parasites (photos).
Chez la plupart des carnivores, le parasitisme continu se traduit par l'induction d'une tolérance immunitaire aux antigènes salivaires, chez d'autres le système immunitaire se " dérègle " et l'allergie apparaît. Les signes de dermatite par allergie aux piqûres de puces (DAPP ou DHPP pour Dermite par Hypersensibilité aux piqûres de puces) apparaissent donc selon un facteur individuel (photos).
Chez les chiens, bien souvent des animaux atopiques, donc ayant tendance à réagir de façon exacerbée vis-à-vis de tous les allergènes, les symptômes vont être caractéristiques. Ils correspondent à la mise en place d'une hypersensibilité cutanée à basophiles (HSI), avec infiltration tissulaire par des polynucléaires basophiles et une synthèse accrue d'IgE qui vont provoquer leur dégranulation tissulaire, et d'une hypersensibilité retardée (HSIV).
Hormis un prurit intense, engendrant des plaies de grattage, les chiens présentent une dépilation, diffuse, intéressant essentiellement la zone dorso-lombaire mais pouvant s'étendre. Le revêtement cutané est altéré par l'état inflammatoire chronique, la peau s'épaissie (hyperkératose orthokératosique), devient grisâtre (mélanose), se plisse, et est grasse et malodorante (hyperséborrhée). Les antigènes qui initient cette réponse immuno-inflammatoire proviennent de la salive des puces. Il s'agit de plusieurs protéines de haut poids moléculaire (14 à 150 KDa), ainsi que de peptides (haptènes < 1 KDa) se liant aux protéines de l'hôte pour les rendre antigéniques. L'allergie se déclenche lors de stimulation antigénique discontinue, avec une quantité suffisante d'allergènes : il y a un seuil de déclenchement, correspondant à un certain nombre de puces.
Chez les chats, cette sensibilisation se traduit surtout par une dermite miliaire, autrement dit par l'apparition de multiples papules et de croûtes sur le dos et autour du cou (photo). La peau prend un toucher sableux (ancien " eczéma arénacé "). L'animal se gratte continuellement et peut même se blesser avec ses griffes. L'irritation liée à la présence de puces induit aussi chez un certain nombre d'animaux un comportement de toilettage et de léchage excessif ; il en résulte une perte de poils sur l'abdomen, les cuisses, les flancs ou la queue. Les allergènes salivaires de puce sont également incriminés comme facteur déclenchant du complexe éosinophilique félin, avec diverses formes cliniques : granulomes ou plaques éosinophiliques cutanées, ulcères labiaux, lymphangites. La présence de puces semble aussi intervenir, en parallèle à des facteurs psychologiques et comportementaux dans le déterminisme de l'alopécie extensive féline (AEF) ou alopécie auto-induite.

A côté de ce rôle pathogène direct, les puces ont un rôle pathogène indirect puisqu'elles assurent la transmission du ténia Dipylidium caninum et de la bactérie responsable de la maladie des griffes du chat (Bartonella henselae).

Diagnostic

Le diagnostic de pulicose repose sur la mise en évidence des puces dans le pelage. Cette recherche est difficile tant les puces sont mobiles. Il faut les chercher à la base de la queue chez le chien, au niveau du cou chez le chat. Certaines expériences ont montré qu'elles ne sont vues que sur 1/3 des animaux infestés, l'utilisation d'un peigne spécifique permet d'augmenter la sensibilité de la recherche et de les voir dans les 2/3 des cas. Il est plus aisé de trouver leurs déjections, en forme de grains noirs d'1/2 mm à 1 mm, enroulés sur eux-mêmes (photos), qui se délitent dans une goutte d'eau en donnant une coloration rougeâtre, témoin du repas de sang (photos).
L'allergie est diagnostiquée par la symptomatologie, mais aussi par l'utilisation de tests spécifiques : intradermoréaction employant des antigènes salivaires de puces, recherche d'une réponse en IgE spécifique.

Traitement - Prophylaxie

Pour protéger efficacement un carnivore, il convient de contrôler la présence de puces à la fois sur le corps de l'animal mais aussi dans son environnement.
Les produits utilisés à titre préventif doivent présenter deux propriétés : une efficacité immédiate et une durée d'action prolongée (rémanence).
Pour obtenir une rupture du cycle, la puce doit être éliminée avant qu'elle ne se reproduise et commence à pondre, donc avant les 24-48 premières heures, ce que font la majorité des insecticides. Certains insecticides associent rapidité d'action (en moins de 24 heures) et rémanence. Ils induisent donc une rupture complète du cycle.
Par ailleurs, les insecticides lipophiles à effet de surface sont stockés dans le sébum, ils se retrouvent donc dans les squames et sur les poils, d'où une certaine action dans l'environnement, sur les larves, par l'intermédiaire de ces débris cutanés.
Les insecticides à effet de surface tuent les puces en dehors de la nécessité de repas sanguin, à l'inverse des insecticides systémiques. Ils limitent par conséquent les stimulations antigéniques. Par ailleurs, ils ne sont pas tributaires des aléas de la pharmacocinétique comme les molécules à effet systémique dont la distribution, le stockage, la détoxication, vont dépendre de nombreux facteurs : espèce (chat / chien), intensité du léchage, état d'engraissement, âge, poids, sexe...
La plupart des insecticides disponibles en France sont utilisés sous forme de sprays ou de "spot-on" (dépôt d'une faible quantité de produit sur l'animal, en un point précis). Cette dernière formulation convient très bien au chat. Les colliers insecticides, galénique ancienne, n'assurent qu'une protection partielle vis-à-vis des puces.
Sous nos latitudes, une protection peut être conseillée dès que les conditions redeviennent favorables au parasite c'est à dire au moins de Mai à Octobre, souvent même de Mars à Novembre, et tout au long de l'année pour les carnivores atteints de DAPP. Le contrôle des puces dans l'environnement nécessite en premier lieu la définition de tous les endroits potentiellement infectés, ce qui est difficile (lieux de couchage, tapis de voitures, bordure des fauteuils...).
Il faut envisager le terme d'environnement dans son acceptation la plus large : il s'agit non seulement de l'habitat, des lieux de passage ou de repos à l'extérieur mais aussi des autres animaux (autres chats, chiens éventuellement) au contact du chat. Dans la mesure du possible, il faut donc bien s'assurer que tous les animaux que rencontre le chat sont régulièrement traités contre les puces. Cette mesure apparaît souvent illusoire pour les chats qui côtoient régulièrement des animaux errants...
Les formulations utilisables dans l'habitat associent généralement un insecticide et un régulateur de croissance (essentiellement des analogues de l'hormone juvénile), qui interfère avec le développement normal des formes immatures. Les diffuseurs sont des traitements volumétriques qui permettent une large diffusion des molécules dans l'environnement. Les sprays doivent être utilisés en complément pour le traitement des zones plus difficiles d'accès. Ces traitements ont une efficacité partielle du fait de la difficulté de toucher tous les stades libres. Les concentrations létales pour les larves sont 2,5 fois celles actives sur les puces adultes, il en va de même des cocons.
D'autre part, les insecticides restent en surface des moquettes et ne pénètrent pas entre les fibres de tissus, là où sont les larves de puce. Une autre possibilité est le traitement de l'environnement indirectement, par le biais de l'animal, soit par l'emploi d'un régulateur de croissance associé ou non à un insecticide (application d'un spot on contenant des IGR), soit par la prise orale d'un régulateur de croissance des puces comme le lufénuron. Il est admis aujourd'hui l'intérêt d'associer les IGR aux insecticides adulticides, pour accélérer la décontamination de l'environnement. Cependant l'emploi des IGR seules s'avère insuffisant. Afin d'éviter l'apparition de chimiorésistances aux insecticides, la combinaison des méthodes est une garantie de succès à long terme.
Comme les puces peuvent contenir les larves de Dipylidium caninum, tout chat ou chien porteur de puces pourra faire l'objet d'une recherche de téniasis et/ou d'une vermifugation cestodicide.